Troisième article de cette série, troisième artiste émergente à découvrir. Cette fois-ci, On’ a eu le chance de s’entretenir une petite heure avec la lumineuse Victoria Flavian, auteure-compositrice-interprète indépendante. On a parlé de musique (obviously), d’amour, d’engagement et d’un tas d’autres choses.

Née à Paris, Victoria Flavian y a grandi, étudié la musique et fait ses premiers pas sur scène. Dans un genre à elle, proche de la chanson française et auquel elle ajoute d’astucieuse touches pop, bossa et électro, la jeune auteure-compositrice-interprète de 23 ans s’empare des thématiques universelles que sont la jeunesse, l’amour, l’amitié et les ruptures pour nous en apprendre plus sur elle. Ses premiers singles, « Take Me » et « Tendres », sortis sur les plateformes il y a peu, en sont les exemples parfaits. Aujourd’hui, Victoria Flavian se produit quand elle le peut sur des petites scènes parisiennes et travaille à son premier EP, disponible à la rentrée.
On’ : Victoria Flavian, tu es en pleine préparation de ton premier projet mais tu baignes dans la musique depuis longtemps. Comment en es-tu venue à la musique ?
Victoria Flavian : La musique est venue à moi très tôt, sans que je me rende compte que je veuille en faire. J’ai commencé en primaire avec le piano, puis la chorale, qui était plus une sorte de hobby. J’ai ensuite très vite arrêté le piano et j’ai commencé la guitare. C’est là que j’ai compris que j’avais trouvé mon instrument de prédilection. Je m’en servais pour m’accompagner et faire des covers, mais rien de sérieux. Au lycée, j’ai rencontré un de mes meilleurs amis qui est aujourd’hui réalisateur, et est passionné de musique comme moi. On a fondé un groupe et sans réfléchir on a voulu participer à un tremplin, pour monter sur scène, créer des chansons. Au début, je pensais que je ne voulais pas composer de chansons car j’avais plus une place d’interprète. Je pensais que je n’avais pas vécu assez de choses pour écrire, qu’il y avait tellement de compositeurs qui avaient déjà écrits de belles choses. Je me disais : « J’ai une jolie voix, j’ai de la chance, j’adore m’en servir, je vais chanter les chansons d’autres personnes. » Pour participer à ce tremplin, il fallait avoir des compositions. C’est donc à ce moment-là que j’ai commencé à écrire, et j’ai réalisé que j’avais des choses à dire, comme tout le monde.
On’ : Quand as-tu décidé d’en faire ton métier ?
Victoria Flavian : Après ce tremplin, j’ai fait une petite pause, j’ai passé mon bac. Mon père n’était pas très chaud pour que je fasse de la musique. J’ai donc décidé de faire des maths puisque j’aimais ça, en gardant toujours la musique à côté. Mais en fac de maths, j’ai compris que ce n’était pas ce que je voulais faire, et je me sentais prête à affronter mon père, à lui dire que la musique était ma vocation. J’ai donc quitté les maths pour une école de musique, les Cours Florent. Et immédiatement, j’étais dans l’optique d’en faire mon métier, de me lancer professionnellement. Après, ce qui est dingue, c’est qu’en école de musique, tu n’as aucune idée de ce qui t’attend après. Il y a un fossé entre le moment où, en école, tu veux te professionnaliser et le moment où tu sors de l’école et tu réalises que tu es dans le grand bain avec tout ce que tu as appris et tout ce que tu n’as pas appris et que tu dois te débrouiller. Aujourd’hui, je vais essayer de faire que ça. Je sais que ça va prendre énormément de temps, qu’il faudra être patiente et persévérante. Mais je n’ai pas de deadline et je sais que si je travaille, il va forcément se passer un truc. Je ne dis pas que, dans 10 ans, je serai au Stade de France, mais si dans 10 ans je continue à faire des chansons, que j’ai la chance de pouvoir les sortir et d’encore me produire sur scène, ça me va très bien.
On’ : Celles et ceux qui ont déjà eu la chance de te voir en concert, auront remarqué que tu t’accompagnes très souvent à la guitare. Es-tu aussi une musicienne ou d’abord une musicienne ?
Victoria Flavian : Effectivement, j’ai commencé par l’instrument, mais aujourd’hui j’utilise vraiment l’instrument pour m’accompagner. J’adore la guitare, c’est mon instrument et j’adore accompagner les autres, mais je n’ai pas eu la même formation qu’un.e guitariste. Pour l’instant, je n’ai pas encore les compétences pour me dire « je suis guitariste. » Je pense que je suis compositrice-chanteuse, avant d’être guitariste, même si la guitare est mon instrument de cœur. J’espère vraiment être toute ma vie sur scène avec ma guitare. Je trouve que ça apporte quelque chose et je me sens vraiment bien quand je l’ai avec moi, sur scène.
On’ : Tu écris tes propres textes. Tu y parles d’amour, de rupture, d’amitié, de tous un tas de préoccupations contemporaines et universelles. Où puises-tu ton inspiration ?
Victoria Flavian : Je m’inspire complètement de ma vie pour écrire mes textes. Ce qui est bien avec la chanson, c’est que, généralement, quand tu commences, tu t’inspires de ta vie. Et après d’autres inspirations en découlent. C’est un peu le chemin classique de l’artiste émergent qui sort un premier EP qui permet de le découvrir personnellement, puis qui va plus en profondeur en s’attaquant à des sujets de société par exemple. Et évidemment, en s’inspirant de réel, on a toujours un côté universel. Moi, je veux que les gens se retrouvent dans mes chansons, dans la positivité, dans la sincérité. Et j’ai hâte de m’attaquer petit à petit à d’autres sujets, de faire des liens entre ma vie et ce qui se passe dans la société, puis de m’éloigner de moi pour toucher à d’autres sujets qui m’intéressent comme le féminisme, l’homosexualité, etc.
On’ : Peux-tu nous présenter tes deux premiers singles, « Take Me » et « Tendre » ? Comment sont-ils nés et que représentent-ils ?
Victoria Flavian : « Take Me » est un morceau fusion pop-jazz-électro. Je voulais que ce soit ma première vitrine car j’étais à un moment de ma vie où je voulais me présenter en tant que femme, et ce titre l’a complètement fait pour moi. Il est hyper sensuel, il parle de crush, de fantasme, je pense qu’il parle un peu à tout le monde. Il y a ce refrain qui te prend, qui ambiance. Je suis très fière de ce morceau car il représente vraiment l’univers que je veux développer. C’était très important pour moi de sortir un premier morceau qui ne me limiterait pas dans un style mais qui, au contraire, me permettrait d’aller partout pour la suite : les morceaux produits, les morceaux plus acoustiques, sans limites. Je ne me suis pas contentée de la chanson française, j’y ai directement ajouté quelque chose, un côté un peu anglais-saxon, un peu jazz. Maintenant, je peux me permettre d’être moi-même. Avec une première chanson où je m’assume autant, où j’assume mon côté sensuel, le fait que j’aime les femmes, je peux vraiment me dire « ça, c’est fait » et m’attaquer à la suite. « Tendre », c’est un morceau que j’ai écrit avec Lucas, du groupe DI ALMA, qui est un ami que j’affectionne beaucoup. C’est la première fois que je faisais une collaboration avec quelqu’un purement pour son talent et pour sa plume. C’est aussi la première fois que je faisais une vraie collaboration, c’était donc d’autant plus important. J’ai toujours trouvé que Lucas avait une part de féminité dans ses textes, où je me retrouvais. J’adore comme il parle des femmes, je trouve ça sensuel, hyper classe et délicat. Je voulais donc absolument écrire un duo avec lui et en plus j’adore le mélange rap-chant. Et tout a été un pur plaisir dans ce duo. On a tout de suite été sur la même longueur d’onde et ça a tout de suite marché, on a vu que ça plaisait. On l’a ensuite retravaillé deux ans plus tard et je l’ai sorti. Je voulais un feat comme deuxième single pour, encore une fois, montrer qu’il n’y a pas de code, pas de règles, et pour toucher plusieurs publics. Je suis dans cette phase où je me cherche en tant qu’artiste et plus je touche un public différent, plus je vais savoir dans lequel je me retrouve.
On’ : Tes deux premiers singles sont très riches en termes de mélange de styles musicaux. De la chanson française à la pop, l’électro et au rock. Comment présenterais-tu ta musique ?
Victoria Flavian : J’emprunte à plein de styles, sans prétention, car ce n’est pas une question de « pouvoir le faire » mais d’« aimer le faire ». Mais je pense que ce que je fais reste de la chanson française. J’essaye d’utiliser chacune de mes influences pour servir la chanson française. J’aime beaucoup de style, j’aime le rock, le rap, j’adore la pop, j’aime beaucoup la nouvelle bossa. Et je prends tout ce qui peux m’inspirer en restant toujours dans la chanson française, à ma façon.
On’ : Quelles sont les artistes qui t’inspirent ?
Victoria Flavian : Amy Winehouse, Clara Luciani et Emma Peters, pour pleins de raisons différentes. Amy Winehouse, c’est la première artiste que j’ai découverte pleinement. Quand j’étais petite, ma mère m’amenait à l’école en voiture et, tous les matins, on écoutait l’album Back to Black. Sans comprendre aucune parole parce que j’avais 8 ans, j’ai été complètement fascinée par cette artiste qui me suit encore dans ma vie. Aujourd’hui, elle reste une influence et je m’en rends de plus en plus compte, que ce soit son style, la façon dont elle puise dans ses émotions, son côté nonchalant alors qu’elle écrit des trucs bouleversants.
Ce qui m’a happée chez Clara Luciani, c’est son énergie, sa générosité sur scène, son côté complètement solaire, dansant, disco, rock. Cette meuf, c’est vraiment une rock star. Sur scène, si je peux puiser dans l’énergie de quelqu’un, ce serait celle de Clara Luciani.
Et Emma Peters, c’est déjà une guitariste. J’aime sa manière de poser sa voix sur ses textes. Sa manière d’écrire est hyper moderne, brute et très authentique. Elle a une simplicité qui est rare et très inspirante. Tout marche chez elle. C’est aussi une femme qui mélange plein de styles, elle le fait à sa sauce et ça marche.
On’ : Ta mère est d’origine franco-américaine, ton père franco-sénégalaise. Est-ce que le mélange de culture dans lequel tu as baigné petite à une influence sur ta musique ?
Victoria Flavian : Complètement. Beaucoup plus le côté franco-américain, car j’ai écouté énormément d’artistes américains et des chansons anglo-saxonnes. Je suis bilingue français-anglais, l’anglais est une langue que j’adore. Je trouve qu’il y a une poésie et une simplicité que l’on ne retrouve pas forcément dans le français et qui la complète. J’aime donc beaucoup m’en servir pour la chanson française.
Le côté franco-sénégalais m’apporte beaucoup plus aujourd’hui que dans mon enfance. J’ai grandi en France, à Paris, dans un milieu plutôt privilégié, je suis une vraie parisienne quoi. Mais aujourd’hui, ça m’apporte quelque chose par ma mixité, en me rendant compte que je ne suis pas blanche et ça change quelque chose. Ça m’apporte énormément de force et de résilience, ça me donne envie de m’engager dans des sujets de société qui me touchent car c’est dans mon sang. J’ai envie de me battre pour ce genre de choses, parce que c’est moi et qu’il y a plein de gens comme moi.
On’ : C’est pour ces raisons qu’on t’entend chanter en anglais sur « Take Me » ?
Victoria Flavian : Tout à fait. C’est une des premières chansons que j’ai écrite principalement en français. Avant, je n’écrivais qu’en anglais. Je me suis donc lancée là-dedans et l’anglais m’a retrouvée naturellement. C’est vrai qu’en France, si tu veux vivre de la musique, c’est beaucoup plus accessible d’écrire en français. Je suis totalement d’accord, j’ai été ravie de découvrir cette langue et quand j’ai commencé à écrire en français, je me suis découverte moi, j’ai découvert une plume, ce qui est fascinant. Mais je ne regrette pas du tout d’avoir sorti ce morceau franco-anglais, parce que c’est une partie de moi que j’assume complètement. Je n’aurai donc aucun mal à défendre ce morceau.
On’ : De la même manière, ton nom de scène est Victoria Flavian, ton vrai nom à l’état civil. Tu n’as pas choisi de nom d’artiste, ni créé d’alter ego. Pourquoi ce choix ?
Victoria Flavian : Ça a été une longue réflexion. J’essayais de trouver quelque chose qui me ressemblait, qui était authentique et unique. Et dans la vie de tous les jours, c’est très rare qu’on m’appelle Victoria. J’ai toujours été Vic ou Vicky. Et en fait, en tant qu’artiste, j’ai réussi à trouver cette authenticité, ce nom unique en étant juste moi, avec mon prénom et mon nom.
On’ : Sur scène, on peut t’entendre chanter le morceau « 3 Nuits », qui est festif, entraînant, mais aussi et surtout très engagé. Comment t’es venue l’idée de ce morceau ?
Victoria Flavian : « 3 Nuits », c’est un de mes morceaux préférés qui parle du monde de la nuit quand tu es une femme. J’y ai été confrontée quand j’ai commencé à travailler dans un bar à Pigalle, et ça a complètement bouleversé ma vie. C’était ma première expérience en restauration, mon premier vrai job. Je faisais des horaires pas possible, du 20h-6h, comme tout le monde dans le milieu de la nuit. Et j’ai découvert une résilience chez moi qui est folle. Après mon premier jour, j’étais sûre que je n’allais pas rester, et en fait j’ai vite été addicte à ça. Tu rencontres plein de monde, tu as devant toi une clientèle hyper variée, beaucoup, beaucoup, beaucoup d’hommes. Et ça m’a vraiment forgé une personnalité que je ne pensais pas avoir. Un soir, j’ai eu un client extrêmement lourd qui ne voulait pas quitter mon bar et qui voulait qu’on prenne un verre. Il était super bourré, ça a duré 45 minutes et à la fin je lui ai donné mon numéro juste pour qu’il parte. Le lendemain, je me réveille et je reçois un texto de ce mec qui s’excuse pour sa lourdeur. Directement, j’ai eu l’idée de cette chanson. C’est venu tellement naturellement parce que tellement de personnes y sont confrontées aussi. Avec ce morceau, j’ai vraiment voulu dire « ok je me frotte aux gros lourdaux, mais après je fais quand même la fête 3 soirs par semaine ». Ça a fait ressortir un côté hyper féministe chez moi, où je suis hyper contente de chanter ce morceau sur scène, je le chante à toutes les femmes et toutes les personnes qui se disent juste « fuck les gens relous et on fait la fête ». C’est de prendre cette situation avec dérision qui m’a vachement aidée.
On’ : L’engagement est une dimension inhérente à ta musique ?
Victoria Flavian : Oui. L’engagement est hyper important pour moi, l’engagement de manière large. Même si je raconte une histoire personnelle, j’ai envie de la raconter de manière très forte, très authentique, de sorte à ce que ça résonne chez les gens. Que je parle de féminisme, d’homosexualité, d’amour, d’amitié, de rupture, j’ai envie que tout soit vrai, que tout soit simple et bouleversant. Et j’ai vraiment hâte de pouvoir parler d’autres sujets, plus engagés, et de développer ma musique dans cette direction-là.
On’ : Ton prochain single, premier extrait de ton EP, sort prochainement. Peux-tu nous le présenter ?
Victoria Flavian : Mon prochain single, qui est effectivement le premier extrait de mon EP, s’appelle « Le Sens des Je t’aime ». Je suis hyper fière de cette chanson. Je l’ai écrite au moment où je sortais d’une relation incroyable – c’était mon premier amour – et je voulais parler du premier amour qui te prend les tripes. Quand t’es amoureux, t’as l’impression que ça ne va jamais se terminer, t’as des papillons dans le ventre, des cœurs dans les yeux. Et cette chanson parle justement de passer à autre chose, de ce sentiment hyper bizarre où, du jour au lendemain, tu vois différemment cette personne qui était tout pour toi. C’est hyper bouleversant et tu ne sais pas comment gérer cette émotion. Tu comprends pas comment hier, elle était la reine de ton monde (reine, parce que j’aime les femmes) et aujourd’hui tu oublies de répondre à ses textos, à ses appels. J’ai abordé ce sujet au moment où j’étais déjà passée à autre chose, j’avais donc le recul nécessaire pour en parler et lâcher tout ce que j’avais sur le cœur sans colère, mais avec beaucoup de tendresse. Et c’est un morceau qui a vraiment voyagé. Au début, c’était une ballade bossa, à laquelle j’ai ajouté un côté dansant, un peu électro car j’ai remarqué, en le faisant écouter à mes ami.es, que c’est un texte qui faisait sourire malgré son côté triste.
On’ : Question rituelle de cette série. Quels sont tes plus grands rêves liés à la musique ?
Victoria Flavian : Un de mes rêves est de faire l’Olympia. J’ai eu la chance de voir énormément de concerts à Paris, et il y a des salles qui te parlent beaucoup plus que d’autres. Pour moi, l’Olympia, c’est hyper inspirant. C’est une salle où tu peux être partout, tu vois tout. J’ai l’impression que c’est une première grosse étape, parce que tu es dans une grande salle, tu partages un concert avec un gros public, tout en restant dans l’intime. J’adore vraiment cette salle. Et de manière générale, j’aimerais faire beaucoup de concerts, multiplier les dates dans des petites ou des grandes salles. Et mon deuxième rêve, c’est quand même de gagner une Victoire de la Musique. Être reconnue dans le monde de la musique, par des artistes et des gens qui font de la musique, c’est aussi un des meilleurs sentiments. Quand tu fais de la musique, je pense que c’est tout aussi important de parler à des artistes qu’à un public qui ne fait pas de musique, pour avoir un public universel. Et ce n’est pas le prix qui est important, mais la symbolique qu’il y a autour, de se dire que tu fais partie de ce monde. C’est vraiment une forme de reconnaissance qui est hyper importante pour moi.
Merci Victoria Flavian !
Estelle Cocco
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