Au mois de mai, On’ a pu se rendre au festival de Cannes. Après Les Feuilles Mortes la semaine dernière, revenons aujourd’hui sur Les Filles d’Olfa, une histoire étonnante inspirée de faits réels. Trois ans après le succès de L’Homme qui a vendu sa peau (2020), la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania nous présente son 5e long-métrage, en compétition officielle. Ce documentaire d’une durée de 1h 50min avec Hend Sabri, Olfa Hamrouni et Eya Chikahoui sortira en salle le 5 juillet prochain.

Historique, Tunisie (9/10)
Probablement ma Palme, sans avoir vu Anatomie d’une chute de Justine Triet dont peu m’en ont dit du mal. Pour sa première apparition en compétition dans la sélection officielle du Festival de Cannes, Kaouther Ben Hania nous plonge dans un drame familial récent, celui d’une mère de famille qui a vu disparaitre ses filles dans le radicalisme religieux. Au sein d’une Tunisie perçue comme de moins en moins laïque, les quatre filles d’Olfa vont devenir les proies d’un prêche religieux, qui va envoyer deux d’entre elles rejoindre l’État Islamique. Le film oscille dans un clair-obscur tenace, puisqu’Olfa Hamrouni, Eya et Tayssir Chikahoui jouent leur propre rôle dans le film, à la différence de Rahma et Ghofrane interprétées respectivement par les actrices Nour Karoui et Ichraq Matar. Ce documentaire impossible – ou fiction documentaire – rassemble tous les stigmates de la défaite du « Printemps arabe », notamment en Tunisie, où les protagonistes ne cessent de répéter que « C’était mieux avant » : sous-entendu que la situation était meilleure sous le règne du président Zine el-Abidine Ben Ali. Les libertés publiques ? Moins bafouées. Le religieux ? Hors de la loi.
De leurs cheveux laissés au vent composant le cadre de la séquence initiale du récit s’ensuit une mise au pas avec d’abord le voile, l’habit, puis les idées et le comportement que les protagonistes adoptent. Tout y passe : automutilation et critiques de l’ancien mode de vie, autant de vies jugées « impures » et d’agissements qu’il conviendrait de bannir car contraires « à la charia ». A l’instar de l’excellent Rebel de Billal Fallah et Adil El Arbi (également présenté en compétition au festival l’année dernière), Les Filles d’Olfa incarne à la fois l’emprise et la résistance d’une famille croyante face à un discours islamiste, qui va venir imposer un mode de vie à rebours de celui en vigueur. Ce discours trouvera toujours les bons mots – pudeur, honneur, grandeur – mais masquera mal ses méthodes sanguinaires et archaïques, et son mode de pensée à la « 1984 ».
Aymeric de Tarlé
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