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La Chine de Xi Jinping est en crise

Une crise politique, sociale et économique se profile face au dirigeant chinois Xi Jinping. Les manifestations inédites, qui ont eu lieu fin novembre, appelant à la fin de la politique Zéro-Covid s’ajoutent à la crise du secteur immobilier soumis à une dette écrasante. Ce mélange génère des tensions sociales à ne pas ignorer. Les décisions gouvernementales pour stabiliser la société civile chinoise détermineront le réel poids du peuple au sein de la dictature.

Source : Pixabay

“Tout le pouvoir en République Populaire de Chine appartient au peuple… Selon les dispositions fixées par la loi, le peuple, par divers canaux et sous diverses formes, gère les affaires de l’État, l’économie, la culture et les affaires sociales” évoque l’Article 2 de la constitution chinoise de 1982. À travers les mouvements politiques fondateurs de la Chine tels que le confucianisme, le marxisme-léninisme, le maoïsme et maintenant le xiisme, une caractéristique centrale prédomine : l’importance du peuple au sein du gouvernement chinois. Ce peuple, depuis le 27 novembre, exige à travers des manifestations historiques des changements radicaux dans la gouvernance du Parti communiste chinois et son président, Xi Jinping.

L’élément déclencheur de cette mobilisation, qui rappelle celle de Tian’anmen en 1989, est la politique Zéro-Covid, intransigeante et critiquée qui dure depuis le début de la pandémie et un incendie mortel à Ürümqi dans le Xinjiang où ces mêmes restrictions sanitaires ont empêché un sauvetage efficace. Cependant, les manifestants critiquent bien d’autres dysfonctionnements au sein du gouvernement dans le secteur économique et politique. Xi Jinping, récemment réélu à la tête du Parti communiste, déclaré comme l’un des pères fondateurs de la Chine et comme le dirigeant avec le plus de pouvoirs accumulés dans l’histoire nationale, se retrouve face à une colère authentique et embarrassante. La manière dont le PCC et le président vont mener cette crise déterminera sans doute la longévité du règne de Xi Jinping.


L’humiliation de la politique Zéro-Covid

Depuis 2020, les Chinois étaient sujets à une politique anti-Covid invivable. Depuis deux mois, les tensions sociales augmentent. Pékin, Shanghai, Guangzhou, Xi‘an, Wuhan et d’autres métropoles ont connu des confinements à répétition qui exigeaient des tests PCR obligatoires et une interdiction de sortir intenable. Des paniers de nourriture, souvent déficients, continuaient d’être livrés par les services sécuritaires et la difficulté psychologique du confinement était encore fortement ressentie à travers la population. Les applications portables à la disposition du Parti qui permettaient de traquer les citoyens, de restreindre l’accès aux services sociaux ou de mobilité et qui servent également d’outil de manipulation étaient aussi une source d’inquiétude non négligeable.

Le Parti, malgré les manifestations, continuait d’affirmer la sureté et l’efficacité de la stratégie Zéro-Covid tout en étant un des derniers pays à continuer d’appliquer une politique pandémique. Le problème était aussi l’orgueil du PCC. Abandonner les politiques Zéro-Covid représente une humiliation nationale et internationale, sans compter un échec personnel pour Xi Jinping, qui a insisté pour la mettre en vigueur. Le lendemain des manifestations, le porte-parole du ministère des Affaires Étrangères, Wang Wenbin, s’entêtait à dire, qu’avec le soutien du peuple, « notre combat contre le Covid-19 sera une réussite ». Pendant les manifestations, des journalistes étrangers ont été arrêtés et des citoyens ont été mis en détention. Le lendemain, toutes les publications en ligne mentionnant les manifestations ont été supprimées. Après une longue attente, le gouvernement chinois a finalement reconnu indirectement l’inefficacité de cette politique le 7 décembre lorsque des mesures d’allègements ont été annoncées. Malheureusement, la crise du Covid en Chine est loin d’être terminée.


Décroissance économique

La Chine traverse aussi une crise immobilière destructive pour le modèle économique chinois qui dépend fortement de ce secteur. D’après Le Monde , 50 millions de logements sont inhabités à Pékin et les promoteurs doivent arrêter leurs chantiers en raison de dettes élevées. Une problématique qui fait tache d’huile auprès des gouvernements locaux qui reçoivent 40% de leurs revenus grâce aux ventes de terrains. Le secteur immobilier chinois a explosé ces trente dernières années. En conséquence une partie de la population en a profité pour investir et se retrouve maintenant vulnérable à ces changements. Le gouvernement pourrait être à la source de cette crise immobilière. En 2020, la banque centrale aurait en effet restreint les conditions de prêts, laissant des promoteurs sans liquidités avec, déjà, des dettes démesurées.

Les effets sociaux néfastes se rajoutent à l’ambiance sinistre de la politique Zéro-Covid. Non seulement les promoteurs ont déclaré une grève des remboursements, mais en plus les pertes de revenus des gouvernements locaux engendrent une baisse de salaires des fonctionnaires. Cela démontre encore une fois une décision contestable de la part du président et du Parti qui va avoir de fortes conséquences sur le PIB décroissant de la Chine. La banque centrale a allégé les conditions de prêts en novembre 2022 mais les individus en faillite sont déjà nombreux et les promoteurs perdent toute confiance en leur gouvernement.

Ces crises consécutives placent le président dans une position politique délicate, malvenue au moment de la concrétisation formelle de sa contribution importante au sein de la culture politique chinoise. En réponse aux manifestations, la Commission nationale de la santé a annoncé dix mesures d’adoucissement des restrictions sanitaires en vigueur. Les personnes contaminées pourront désormais s’isoler une semaine à la maison, à défaut d’être placées dans un centre, l’obligation de tests PCR va être assouplie, et hormis dans les maisons de retraites, les hôpitaux ou encore les écoles, aucun test PCR ne sera demandé pour accéder aux lieux publics. Cependant, plusieurs règles sanitaires demeurent telles que des restrictions extrêmement strictes pour les voyageurs arrivants de l’étranger, des tests de température continuent d’être couramment exigés et malgré la nouvelle autorisation de voyager en Chine continentale les restrictions Covid varies énormément entre les différentes provinces et villes. Le gouvernement fait un pas vers le peuple, mais il reste plusieurs difficultés que le Parti n’a toujours pas réglé.

Affaiblissement politique de Xi Jinping

Les experts sont concernés par la hausse de cas de Covid après les premiers allègements avec déjà 40,000 cas recensés en novembre. De plus, une sortie de pandémie est plus efficace lorsque la majorité de la population est vaccinée ou immunisée, ce qui n’est pas le cas en Chine. Seulement 30 à 35% des personnes au-dessus de 60 ans sont vaccinées avec un sérum peu efficace en matière d’immunisation. Finalement, si le nombre de cas continue d’augmenter, le Parti aura-t-il d’autre choix que de renforcer les règles sanitaires ? La moitié de la population chinoise est encore terrifiée par ce virus diabolisé par la propagande, alors que l’autre moitié plaide pour un retour à la normale. Les solutions qui s’offrent au gouvernement seront inévitablement accompagnées de contrariétés, ils ont d’ailleurs cessé de publier les statistiques d’infections et d’hospitalisations. De plus, les hôpitaux et crématoriums sont maintenant complètement saturés. Tous ces facteurs laissent penser que le Parti prend une fois de plus des décisions rapides et irréfléchies par crainte d’une déstabilisation sociale aggravée, dont les effets sont encore inconnus.

Face à la situation économique, 174 milliards de yuan ont été versés dans le secteur immobilier. Le président a également annoncé des investissements dans la technologie lors du 20e Congrès national du Parti communiste chinois. Malheureusement, ces mesures représentent des solutions à court terme et ne répondent pas aux changements structurels que réclame la population. La situation économique se dégrade, les tensions sociales prolifèrent et un retour à la stabilité sociale ou économique n’est pas encore en vue. L’avenir de la Chine dépend désormais de la capacité de Xi Jinping à corriger ses propres erreurs. En tant que « père » de la nation, il avait promis à la population chinoise de dompter le virus et d’atteindre la prospérité économique. La probabilité que le dirigeant chinois réussisse à tenir ses promesses parait bien maigre mais, quoi qu’il en soit, il ne doit pas sous-estimer la colère d’un peuple au bord de la révolution.

Amalia Huot-Marchand

Amalia Huot-Marchand

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