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Les réseaux sociaux : l’arme secrète de l’extrême droite espagnole ?

Alors que les populismes s’imposent en Europe, On’ vous décrypte ce phénomène dans une série de quatre articles. En Espagne, l’ultradroite conservatrice est incarnée par parti politique Vox, créé en 2013. En 2019, il devient la troisième force politique du pays, en obtenant 15% des voix lors des élections générales. Une ascension fulgurante, due en partie à la stratégie de communication efficace du très jeune parti.

Lors de sa campagne présidentielle de 2022, Jean-Luc Mélenchon (2M d’abonnés sur Tik Tok) avait montré sa maîtrise des codes des réseaux sociaux. Des vidéos postées sur Tik Tok, Instagram ou Youtube associant rap à des montages rapides faisaient régulièrement plusieurs centaines de milliers de vues et de likes. Le leader de la France Insoumise n’est qu’un exemple parmi d’autres d’une présence internet réussie pour un parti politique. Celle-ci est devenue centrale aux campagnes électorales, dans la recherche d’un électorat jeune, souvent désintéressés des moyens de communication plus traditionnels.

Cette méthode, c’est également celle de l’espagnol Santiago Abascal, qui se trouve à l’opposé de l’échiquier politique. A moins de 40 ans, il est le principal responsable du succès du jeune parti d’extrême droite ultraconservateur Vox. Ses résultats à chaque élection parlent d’eux-mêmes.

En avril 2019, les élections générales ont lieu afin d’élire les représentants du Congrès espagnol. Et lors de ce scrutin, le parti Vox, qui n’a auparavant jamais eu de députés, totalise à la surprise générale 10,16% des voix, soit 24 élus. Mais l’incapacité du Congrès à trouver un consensus parmi les élus et à investir un président du gouvernement conduit à l’organisation d’une nouvelle élection, en novembre. Une aubaine pour Vox, qui double ses résultats et obtient 52 députés.

Au niveau local également, Vox jouit d’une implantation locale de plus en plus importante. Avec 17,6% des suffrages, Vox est arrivé en troisième position. Il a ainsi obtenu 13 sièges au parlement régional, alors qu’il n’en possédait qu’un seul lors du mandat précédent.

Ces poussées de croissance sont un peu la marque de fabrique du parti de Santiago Abascal. Il n’est pas la première force politique du pays, loin de là : le PSOE (Parti socialiste) est en première place, avec 120 députés, et le PP (Parti conservateur) le suit avec 88 sièges. Mais, ces deux partis appartiennent à la catégorie des « partis traditionnels », tandis que Vox, né en 2013, est un parti dit « jeune », tout comme son électorat. Une enquête du CIS (Centro de Investigaciones Sociologicas) de 2021 révélait que lors des élections de novembre 2019, l’électorat de Vox trouvait sa part la plus importante dans la tranche des 18 à 34 ans. C’est également le cas de l’autre parti jeune majeur du pays, Unidas Podemos, qui gouverne actuellement avec Pedro Sanchez.


La domination des partis jeunes sur les réseaux sociaux

Il y a une vraie rupture générationnelle en Espagne qui se traduit dans le comportement électoral. Les anciennes générations restent fidèles au bipartisme, tandis que les jeunes de moins de 34 ans, parfois surnommés la « génération de la crise de 2008 » se tournent vers de nouvelles solutions.

Et cette rupture se fait également sentir dans la présence sur internet des partis politiques. En 2019, une enquête d’Epsilon Icaros pour Expansion montrait que Vox et Podemos occupaient de loin la majeure partie de l’espace politique d’internet. Selon l’étude, ils totalisent à eux deux 70% des publications de partis politiques partagées par les internautes. En nombre de followers, Podemos dépassait largement vox, avec plus de 2,7 millions de personnes entre leurs comptes Instagram, Facebook, Twitter, et Youtube ; contre seulement 783 500 pour Vox.

Mais un autre chiffre interpelle : la croissance de la présence internet des deux partis. Aujourd’hui, Podemos domine toujours, avec plus de 3,2 millions de followers en tout, mais Vox a réduit l’écart avec plus de 2,1 millions de followers. Entre février 2019 et novembre 2022, le parti d’ultradroite a donc connu une croissance de 270% dans le nombre de followers sur ces quatre réseaux sociaux principaux.


Vox et internet, quelle est la recette du succès ?

Selon les chercheur.euse.s Andrea Castro Martinez et Pablo Dias Morilla, Vox est parvenu à atteindre son public sur les réseaux sociaux par l’utilisation du « politainment ». Ce mot-valise désigne les discours politiques se servant consciemment des codes du divertissement dans les médias traditionnels ou en ligne. Une stratégie cristallisée dans un tweet devenu emblématique du parti, publié lors de la campagne d’avril 2019.

En légende du tweet, on lit la phrase « Que commence la bataille », accompagnée d’emojis du drapeau espagnol et d’épées croisées, ainsi que de l’hashtag #PorEspaña utilisé lors de la campagne. En-dessous, un meme reprend une image de bataille d’un des volets du Seigneur des anneaux, et représente Vox en Aragorn brandissant son épée contre ses ennemis : un micmac de médias traditionnels, mouvements LGBT, féministes, anarchistes et antifascistes.

Capture d’écran du tweet devenu viral de Vox. L’image a depuis été retirée du site à la suite d’une plainte déposée par Warner Bros pour abus de droits d’auteurs

Depuis ce tweet, le parti d’ultra droite espagnol a continué de se frayer un chemin sur internet en utilisant un style de communication caractérisé selon Martinez et Morilla par « l’utilisation de la simplification et d’un langage direct et clair, avec des expressions belligérantes, (…) visant à décrédibiliser et ridiculiser ses adversaires politiques ».

En 2023, l’Espagne entrera de nouveau en campagne en prévision des élections générales qui doivent se tenir au mois de décembre. Rien n’est gagné pour le parti Vox, mais s’il cherche à s’adresser à l’électorat stratégique des 18 à 34 ans (plus de 8 millions de personnes), il possède certainement la base de followers et la maîtrise du style internet pour le faire.

Magdalena Hervada

Source bannière : OSCAR DEL POZO / AFP

Magdalena Hervada

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