Alors que le Mondial de football a commencé depuis deux semaines, le grand rendez-vous du football a déjà fait couler beaucoup d’encre. En plus de l’enquête accablante publiée en 2021 par The Guardian qui met en avant le nombre d’ouvriers étrangers morts au Qatar depuis 2010, ce qui inquiète les ONG et les organisations internationales, ce sont les droits et les libertés sur place. Alors que les femmes qataris ont une liberté de mouvement restreinte, les personnes homosexuelles et transgenres ne sont officieusement pas les bienvenues pour ce grand rendez-vous du football.
Il suffit de taper « Qatar Coupe du Monde » sur Google pour comprendre les raisons de l’indignation mondiale qui plane au-dessus du Mondial de football qui a commencé dimanche 20 novembre. Au menu, la climatisation des stades, l’obligation des supporters et des joueurs de se déplacer en avion d’un match à l’autre, les dates de la compétition qui bouleversent le calendrier des championnats… Ou encore les restrictions imposées sur place, calquées sur la Constitution du Qatar elle-même guidée par la charia, la loi islamique. Et si la question de gravissimes conditions de travail et de vie des travailleurs migrants ou du travail forcé sont omniprésentes dans les médias, celle des droits relatifs au genre mérite aussi d’être éclairée.
Le Qatar dans le viseur des ONG et de l’ONU
En mars 2022, le Qatar publiait un rapport nommé « Pacte international relatif aux droits civils et politiques ». Le Comité des droits de l’homme, qui a examiné ce rapport, s’était inquiété des discriminations à l’égard des femmes et des conditions de travail des migrants du pays, un an après l’enquête de The Guardian. Le quotidien britannique y révélait les nombreux décès de travailleurs étrangers sur les chantiers de construction des infrastructures de la compétition.
Le Comité des droits de l’homme écrivait : « L’égalité entre hommes et femmes et la non-discrimination ont suscité plusieurs questions, une experte se disant préoccupée par les effets de la culture patriarcale et des stéréotypes qui assignent aux femmes un rôle restreint. » Pour cause, la législation relative à la famille au Qatar établit un système de tutelle : en cas de divorce, une femme ne peut pas avoir la garde de ses enfants. Ce code décrète aussi qu’une femme ne conclut pas elle-même son acte de mariage : elle se fait représenter par un tuteur qui est, par ordre respectif, son père, son aïeul paternel, son enfant, ou son frère germain… Le Code dit que la présence du tuteur est une condition de validité du contrat de mariage. Un rapport de l’ONG Human Rights Watch accusait en 2021 le Qatar de restreindre la liberté des femmes avec des mesures de « tutelle » floues rendant nécessaire l’autorisation d’un homme pour des activités du quotidien. Elles devraient ainsi obtenir l’accord d’un tuteur pour voyager et étudier à l’étranger, avoir accès à la contraception et se marier. On note d’ailleurs que l’interruption volontaire de grossesse est interdite dans le pays en dehors du mariage, sauf en cas de danger pour la mère.
Une Constitution qui rejette les relations non-reproductives
À des kilomètres d’une Europe occidentale qui a fait de sa terre une « zone de liberté LGBT+ », Human Rights Watch (HRW) révélait aussi, dans un rapport publié fin octobre, la détention arbitraire de membres de la communauté LGBTQ par la police qatarie.
Dans ce riche émirat, tout comme dans soixante-neuf états dans le monde, l’homosexualité est interdite et pénalisée. Et si ce n’est pas écrit explicitement dans la loi, elle est dans certains états comme l’Afghanistan, le Pakistan, les Émirats Arabes Unis et le Qatar passible de la peine de mort. Dans ces pays musulmans, la loi est calquée sur le Coran, qui rejette les relations non-reproductives et condamne l’acte de sodomie. Les relations sexuelles entre hommes sont considérées comme des infractions passibles de peines de prison pouvant aller jusqu’à sept ans. L’organisation de la Coupe du monde a même rappelé que « les relations sexuelles hors mariage seront interdites » durant l’événement, tout comme les drapeaux LGBT seront proscrits dans les stades.
Et si le responsable de l’hébergement Qatar 2022 Omar Al Jaber déclarait récemment que tous les supporters étaient les bienvenus, l’ambassadeur du Mondial 2022 et ancien footballeur qatari Khalid Salman, semait le doute le 8 novembre dernier. Il qualifiait l’homosexualité de « dommage mental » dans une interview diffusé sur la chaîne publique allemande ZDF.
Sarah Krakovitch
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