À quelques jours du début de la Coupe du monde de football au Qatar, certains appellent à répondre à l’absurdité écologique et humanitaire qu’elle représente par un boycott. Si une large part de la classe politique et médiatique condamne les conditions dans lesquelles cette coupe du monde aura lieu, le boycott, lui, émane majoritairement du milieu associatif.
Une liesse populaire française peut-elle exister sans faire le jeu d’un régime autoritaire ? C’est ce à quoi aspire un ensemble de collectifs qui appelle au boycott de la Coupe du monde 2022. Alors que les crises énergétiques et économiques marquent le quotidien de beaucoup de Français, renoncer à cet événement populaire représente un sacrifice supplémentaire. Partant de ce postulat, plusieurs associations mettent en place des contre-événements. L’idée est de proposer à celles et ceux qui souhaitent boycotter les matchs de se retrouver pour boire un verre, faire de la musique ou du sport, en bref faire vivre l’esprit d’équipe par-delà ce qu’ils appellent « la coupe d’immonde ».
Un boycott festif
La campagne Carton rouge pour le Qatar propose sur son site un kit d’actions dans lequel on peut trouver des flyers, des pochoirs, et des lettres ouvertes à envoyer aux élus et aux artistes. Aux citoyens de s’en emparer. Pour ça, pas besoin de contacter le collectif : l’enjeu est de donner suffisamment de ressources pour que chacun puisse être autonome. Les citoyens sont notamment encouragés à aller démarcher les bars. Le site propose une liste de questions-réponses afin d’arriver préparé dans les établissements pour leur demander de ne pas diffuser les matchs et, pourquoi pas, d’organiser un contre-événement. Plusieurs ont déjà entrepris la démarche. Ils sont recensés sur une carte interactive, la carte des contre-événements, et sur un site, « Ramenez la coupe à la raison« . Sur le Télégram de la campagne, l’une invite à une course à pied, pendant qu’un autre annonce organiser un karaoké, ou plutôt un « Katar pas oké ».
Guillaume Canet propose lui aussi une alternative à l’événement. Connu pour son engagement écologique, l’acteur a annoncé sur son compte Instagram que « La web TV AuNomdelaTerre.tv diffusera gratuitement pendant chaque match 64 séries et documentaires (…) pour sensibiliser le monde à la cause écologique et au monde agricole. »

Côté politique et médiatique, un boycott en demi-teinte
Tous sont lucides : ce ne sont pas ces actions citoyennes et associatives qui feront la différence. Elles peuvent rendre le boycott attractif, mais ne suffiront pas à faire vaciller les audiences. C’est de l’action d’acteurs politiques et médiatiques dont il y aurait besoin. Or, de ce côté-là les positions sont bien moins tranchées.
Plusieurs municipalités ont d’ores et déjà annoncé qu’elles ne créeront aucune fan zone et ne retransmettront pas les matchs sur grand écran. Cependant, ce choix ne s’accompagne pas d’un appel au boycott des élus à leurs administrés. La ville de Paris se défend même de boycotter la Coupe du monde. L’adjoint au sport à la mairie de Paris, Pierre Rabadan, tient ainsi à préciser que ne pas faire de fan zone « ne veut pas dire que nous appelons à boycotter l’événement ».
Cette frilosité à se prononcer en faveur d’un boycott se retrouve de part et d’autre de l’échiquier politique. Si Jean-Luc Mélenchon argue depuis des mois déjà qu’il faut boycotter l’événement, sa position n’est pas commune à toute la NUPES. Sur France Info, Fabien Roussel, secrétaire national du Parti Communiste Français, affirme qu’à la place des joueurs, il aurait refusé de participer à la Coupe du monde. Mais lorsque la présentatrice lui demande s’il compte regarder les matchs, sa réponse est plus nuancée, « ça va me tarauder » répond-il.
Côté médias, la question se pose aussi. Nombre d’entre eux ont abordé le lourd tribut humain et écologique causé par les préparatifs. Il s’agit maintenant de savoir s’il faut, ou non, couvrir l’événement. Le premier à s’être positionné est le Quotidien de la Réunion qui a titré le 13 septembre « Sans nous ». Si le débat s’est alors ouvert, il a rapidement été refermé. Les rédactions les plus importantes couvriront l’événement, bien que ce ne soit pas allé de soi, comme le rapporte Nathalie Iannetta, directrice des sports de Radio France sur la plateau de C à vous : « nous nous sommes collectivement posé la question » dit-elle.
Des appels au boycott restés lettre morte dans le milieu du football
Toutes les sélections se rendront au mondial. Pourtant, les appels au boycott se font entendre aussi chez les férus de foot. L’icône footballistique Éric Cantona a annoncé dès septembre son intention de ne pas regarder un seul match, au même titre que son homologue allemand Philipp Lahm qui refuse de faire le voyage jusqu’à Doha. Tous deux sont suivis par une partie des supporters. Fabien Bonnel, fondateur d’Irrésistibles Français, la plus importante association de supporters des Bleus, a lui « décidé de condamner cette Coupe du monde au Qatar ». Si on ne doute pas vraiment du succès que rencontrera le Mondial, les membres d’Irrésistibles Français seront tout de même six fois moins nombreux qu’en Russie selon les estimations de l’association.
Au-delà du boycott de cette Coupe du monde, par quelques acteurs que ce soit, c’est la nécessité de réviser les critères de désignation du pays hôte qui est mise en lumière. Si la volonté des associations est de mieux vivre le boycott d’aujourd’hui, c’est pour pouvoir regarder sans remords la Coupe du Monde 2026.
Thelma Bergman
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