Bien souvent quand on commence à visionner un grand nombre de films, on se met à avoir des attentes. On est peut être déçu, mais parfois… on est agréablement surpris par un film qui ne partait pourtant pas favori. Et à Cannes, c’est pareil. On y regarde chaque jour plusieurs films venant du monde entier, réalisés par des cinéastes en herbe ou confirmés. Alors, entre mes a priori négatifs et mes révélations, laissez-moi vous parler de quelques films qui valent la peine d’être découvert.
1. Triangle of sadness (Sans filtre) de Ruben Öslund
Comment parler des révélations de cette édition sans évoquer le grand gagnant de cette année ? Triangle of sadness est une véritable claque. Habitué à dénoncer les inégalités comme dans son dernier film The Square ayant aussi remporté la palme en 2017, le suédois Ruben Öslund choque toujours plus. On assiste à des scènes surréalistes qui ont lieu lors d’une croisière de luxe qui tourne mal. Des mètres cube de toutes sortes de fluides corporels se fondent au champagne qui afflue aussi en abondance : métaphore de l’obstination de certains riches à se cacher les yeux face à une planète qui s’effondre sous leurs pieds. Évidement si l’on ne regarde que les images du film, certaines scènes ne sont qu’obscènes et épouvantables, mais la symbolique qui s’y cache est fascinante et révélatrice de notre propre monde construit sur d’aberrantes injustices. J’ai personnellement adoré ce que le film a provoqué dans la grande salle du GTL ! Des personnes grimaçaient, se cachaient les yeux, détournaient leur visage, criaient de dégout et de stupeur… Eh bien oui, ce spectacle grotesque, c’est un peu la vie qui nous est projetée en pleine figure avec une immense dose d’humour et de cynisme. Le film d’une durée de 2h30 se divise en 3 chapitres dont un sur la croisière et un autre sur la survie des naufragés, et sa sortie en salle est annoncée pour prochainement.
Extrait :
2. Syk Pike (Sick of Myself) de Kristoffer Borgli
Présenté dans la catégorie « Un Certain Regard », il s’agit du second long-métrage du norvégien qui a réalisé une dizaine de courts-métrages depuis 2011. Son cinéma est assez ressemblant à celui de Ruben Öslund en ce sens qu’il se sert du cinéma pour explorer les failles humaines et sociétales. Son premier film Drib sorti en 2017 était une expérience sociale où il tentait de créer une marque de boisson énergisante en utilisant le marketing de la violence… Ici, il crée l’histoire d’un couple composé de Signe (Kristine Kujath Thorp) et Lege, interprété par Anders Danielsen Lie (Julie en 12 chapitres de Joachim Trier, Bergman Island de Mia Hansen-Løve qui a présenté son dernier film Un beau matin à la Quinzaine des Réalisateurs), qui sont tous deux obsédés par la notoriété et la réussite sociale en écrasant les autres. J’ai beaucoup apprécié ce film qui évidemment tourne en dérision la nouvelle génération accro aux réseaux sociaux et à l’image souvent faussée que l’on y véhicule en gommant tous ses défauts. Seulement, Signe n’a aucun talent ni même son mari qui vole des meubles pour les présenter à des galeries d’art contemporain en se faisant passer pour un créateur… Elle va donc jusqu’à commettre l’irréparable pour qu’on la remarque lors des diners ou dans les journaux, et finira par avouer que «… tout est faux, seule la douleur est réelle ». Une comédie dramatique philosophique qui nous questionne sur notre propre condition en jouant de l’absurdité des personnages, dont la date de sortie est aussi indéterminée mais à venir prochainement.

3. Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi
J’avoue que j’avais plusieurs réticences à propos de ce film. D’abord en sachant que l’histoire autobiographique allait se dérouler dans les années 80, je pressentais une nostalgie écrasante mais il n’en est finalement rien ! Je craignais également une poésie frivole, une bourgeoisie trop exacerbée et un scénario superficiel… Mais cette septième réalisation de l’actrice italienne émeut et emporte. Elle est surtout portée par une troupe d’acteurs incroyables, et en particulier Nadia Tereszkiewicz qui se révèle véritablement de film en film, comme récemment dans Babysitter qui est une fabuleuse réussite. Mais on retrouve aussi Sofiane Bennacer qui crève l’écran en interprétant un jeune comédien toxico, aux côtés du grand metteur en scène Patrice Chéreau interprété par Louis Garrel, ex-mari de Valéria avec qui il a une fille dans la vraie vie. La bande-originale continuera de tourner en boucle dans votre tête après le visionnage… avec les titres Boule de flipper de Corynne Charby, Andy de Rita Mitsouko ou encore I Maschi de Gianna Nannini. Pour découvrir ce film dramatique, il faudra vous armer de patience car sa diffusion nationale n’est prévue que pour le 9 novembre…
Extrait :
4. L’innocent de Louis Garrel
En parlant de Garrel, voici le quatrième long-métrage de l’acteur français après Les Deux Amis (2015), L’Homme fidèle (2018), et La Croisade (2021), ce que l’on retient de cette comédie, c’est sa légèreté. La qualité du scénario offre un humour gauche et naturel que les acteurs (surtout Noémie Merlant dans le rôle de Clémence) s’approprient pour donner vie à des personnages attachants. L’histoire en deux mots : Sylvie (Anouk Grinberg) se marie encore avec un prisonnier (Michel, interprété par Roschdy Zem) qui retombe dans ses vieux travers, et c’est son fils (Louis Garrel) qui va tenter de la protéger en compagnie de Clémence, la meilleure amie de sa femme décédée. L’histoire est teintée de romantisme, de tension, de rires et de larmes… la recette idéale pour passer un bon moment au cinéma. La bande-son est également très appréciable dans ce film, avec entre autres Nuit magique de Catherine Lara et Pour le plaisir de Herbert Léonard. Rendez-vous à la rentrée pour découvrir ce film le 12 octobre !

5. Will you look at me (Regarde-moi) de Shuli Huang
À Cannes, il n’y a pas que de longs films. Mon coup de cœur cette année s’est porté sur un court-métrage présenté lors de la 61ème édition de la Semaine de la Critique, et qui a remporté la Queer Palm dans sa catégorie. Réalisé par le chinois Shuli Huang âgé de 25 ans et originaire de Wenzhou, le scénariste, réalisateur et directeur de la photographie (notamment pour le long-métrage Farewell, my hometown qui a remporté un prix) s’est récemment installé à New-York pour entamer son Master de cinéma. Il s’agit de son deuxième court-métrage après Exposed sorti l’année dernière. Ce film expérimental filmé en super 8 est une magnifique balade introspective sous la forme d’un documentaire à la première personne. On assiste au déchirement d’une mère embarrassée voire honteuse concernant l’homosexualité de son fils, lors d’une conversation enregistrée qui se lance comme une bande-son derrière les images de nature et de proches du réalisateur. Il présentera son film en compagnie des autres courts-métrages de la sélection le 11 et 12 juin à la cinémathèque de Paris.


Cynthia Zantout
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