Après six ans d’errance médicale, être diagnostiquée d’endométriose a été un soulagement pour elle. C’est avec une maturité stupéfiante agrémentée d’une fine dose d’ironie que Sterenn, 21 ans, créatrice du compte @mon.endo, m’a confié son histoire. L’occasion de connaître aussi son regard sur le lancement de la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose du gouvernement.
“Les règles quand on souffre d’endométriose ça peut se comparer à un accouchement sans péridurale, mais qui dure une semaine”. Ce quotidien a été le sien pendant de longues années avant que l’on ne lui prescrive une pilule en continu. C’est autour d’un café que cette jeune femme de premier abord discrète mais surtout pleine d’humour m’a raconté son parcours de combattante. À l’âge de treize ans, ses premières règles sont marquées par des douleurs bénignes. Sa famille l’encourage à consulter sans être trop préoccupée. L’ombre de l’endométriose est bien loin dans les esprits. Malgré les premiers signes d’alertes, la réponse du corps médical est sereine : “on ne m’a rien dit”. Vers l’âge de seize ans, aux douleurs qui s’alourdissent s’ajoutent des malaises qui deviennent systématiques lors de ses règles.
“En terminale, j’étais en cours que trois semaines sur quatre, toute ma semaine de règles, j’étais à la maison”. Crampes, douleurs lombaires et dans les jambes, troubles de transit, coups de poignards dans la zone pelvienne et nausées forment l’inventaire de ses maux. Parallèlement, débute un long marathon médical. Les rendez-vous se multiplient et les prescriptions (spasfon, paracétamol, antadys, tramadol) s’additionnent, sans succès. La souffrance ne s’atténue pas ou finit toujours par revenir. Les IRM et échographies s’enchaînent, sans qu’aucun indice ne se révèle. Le diagnostic tombe finalement en février 2020 grâce à une énième IRM prescrite par un nouveau spécialiste. La différence cette fois-ci, c’est que l’examen est réalisé dans un centre spécialisé. Le verdict ne fait alors aucun doute, elle souffre d’une “endométriose superficielle péritonéale”. Ce terme “superficielle” ne définit pas un niveau de douleur, mais fait référence à la difficulté d’identification des lésions caractéristiques de l’endométriose. “Les médecins ont du mal à le comprendre, car ce qu’ils ne voient pas, ils pensent que ça n’existe pas d’où l’importance de voir des spécialistes bien formés” m’explique-t-elle. Une ignorance à laquelle elle doit encore faire face aujourd’hui. Elle me raconte avoir été confrontée, la semaine précédant l’interview, à un médecin qui, “grand sourire”, se réjouissait de ne plus voir à l’image ses lésions. “Ah oui génial!” ironise-t-elle avant d’ajouter “ Ma réalité c’est que je peux difficilement marcher, je suis handicapée”.
Une vie en distanciel
« Ça a affecté mes études, ma vie sociale et ma vie intime”. Les dix-huit bougies soufflées et le bac en poche, elle fait sa rentrée dans une prépa ingénieure. Or, le suivi de ce cursus intensif devient très vite incompatible avec ses absences régulières. Le retard s’accumule, l’abandon devient inévitable. L’année suivante, elle persiste en s’inscrivant à l’université pour suivre une licence de sciences physiques. Le rythme plus léger n’y fait rien, l’histoire se répète à nouveau. L’année est marquée par une course aux certificats médicaux afin de justifier ses absences perpétuelles. Exténuée par ses douleurs et son sentiment d’incompréhension, elle ne se rend plus en cours à partir du second semestre. Quelques mois plus tard, ses souffrances prennent officiellement le nom d’endométriose. N’ayant pas pu valider cette première année de licence, elle décide de s’accorder une année blanche pour se retrouver. À l’issue de celle-ci, elle s’inscrit en fac de psychologie. Une formation débutée en septembre dernier qu’elle est autorisée à suivre à 100 % en distanciel.
Quant à la question de potentiels regrets au sujet de cette nouvelle orientation, elle me répond : “Ce n’est pas par défaut, mais ça a été réfléchi”. En plus d’être une discipline qu’elle apprécie, ce choix de la psychologie lui permet également une projection professionnelle réaliste. “Il me faut un métier où je peux gérer mon emploi du temps et où je puisse m’installer comme je veux. Éventuellement, je pourrais travailler à domicile”. N’étant plus réglée grâce à une prise de pilule en continue, la douleur est certes amoindrie, mais reste handicapante au quotidien. À ce corps endolori, s’ajoutent les conséquences de la fatigue chronique. « Faire une soirée ? J’ai pas envie de prendre le risque d’avoir mal devant les autres et puis de toute façon, je ne peux pas tenir. Je pique du nez, c’est juste incontrôlable ». En couple depuis cinq ans, sa vie sentimentale a dû elle aussi être adaptée. “Je ne peux pas aller au musée, sortir longtemps et puis j’ai des douleurs pendant les rapports sexuels”.
“La définition n’est pas la bonne.”
“Pédagogie et témoignage” pourrait être la devise de son compte Instagram @mon.endo créé une fois diagnostiquée. Elle y déconstruit les préjugés liés à cette maladie trop souvent résumée à un endomètre (muqueuse utérine) invasif, à de fortes douleurs uniquement durant les règles et aux problèmes d’infertilité. “Non, l’endométriose n’est pas de l’endomètre en dehors de l’utérus, il s’agit de fragments qui y ressemblent, c’est comme un endomètre mutant”. C’est pourquoi, elle perçoit la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose annoncée par le gouvernement en janvier dernier comme un vrai coup de projecteur sur cette maladie. “C’est l’espoir d’avoir enfin une définition scientifiquement juste”. L’annonce du lancement d’un programme de recherche de 20 millions d’euros pourrait être le point de départ d’un potentiel traitement. “ L’endométriose on ne sait pas ce que c’est, on a que des théories. Après, il faudrait qu’ils s’allient avec d’autres pays. On a vingt ans de retard sur l’Australie”.
Le gouvernement a également annoncé la création de centres spécialisés. Une mesure qu’elle approuve, mais pour laquelle elle exprime une crainte “avoir des centres spécialisés, c’est bien, mais il faut surtout du personnel bien formé, il n’y en a pas suffisamment. Pourquoi ne pas créer un diplôme dédié ?” suggère-t-elle. La création du “réflexe endométriose” est selon elle le point le plus décisif de ces annonces. Un système qui repose sur une meilleure connaissance de l’endométriose chez tous les publics afin de la diagnostiquer le plus tôt possible. Aujourd’hui entre l’alerte des premiers symptômes et l’officialisation du diagnostic, c’est en moyenne sept années d’errance médicale en France. Et c’est une femme sur dix qui est touchée par cette maladie soit 2 millions de personnes sur le territoire français.
Océane Caillat
Crédit photo : @mon.endo
Pour aller plus loin, les recommandations de Sterenn:
- Livre: Endométriose, ce que les autres pays ont à nous apprendre de Marie Rose Galès (Josette Lyon, 18 euros)
- Podcasts: Endo Serenity et Endométriose mon amour
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