Né en 1981 au Salvador de parents d’origine palestinienne, Nayib Bukele est d’abord publiciste, puis maire. Le 1er juin 2019, il est élu Président de la République du Salvador avec 54% des voix. C’est la première fois depuis la fin de la guerre civile de 1992 que le pays sort du bipartisme droite-gauche. Bukele est issu du GANA (Gran Alianza por la Unidad Nacional), parti conservateur centriste.
Remarqué pour ses tenues (sweat et casquette ou blouson en cuir et jeans), le président Nayib Bukele investi massivement une communication placée sous le signe de la jeunesse en s’autoproclamant « président le plus cool ». Il semblerait que cela fonctionne puisqu’en mai dernier, 92.1% des Salvadoriens approuvaient son gouvernement. Néanmoins, la dérive autoritaire que prend son régime est dénoncée par Amnesty International dès février 2020. Qui est donc ce « président des millenials » et le restera-t-il encore longtemps ?
Bilan de son accession et de ses premiers mois au poste de président de la république.
Crédit photo : https://theconversation.com/es/topics/nayib-bukele-66611
Lors de sa campagne présidentielle, Nayib Bukele s’est inspiré du modèle d’Andres Manuel Lopez Obrador (Mexique) en proclamant sa volonté de lutter contre la corruption. Il se présente sous le parti du GANA, (Gran Alianza por la Unidad Nacional), dont le fondateur purge actuellement une peine de dix ans de réclusion pour avoir détourné 300 millions de dollars de fonds publics.
Sous la présidence de Bukele, quelques avancées sociales semblent effectivement avoir été engagées. Des travaux d’urbanisme ont permis de modifier le visage de la capitale, San Salvador, qui gardait encore des séquelles des tremblements de terre de 1986 et de 2001. Comme promis lors de sa campagne, le Président s’est attelé à la sécurisation du pays. En 2020, le pays recensait 1 322 meurtres en contre 6 656 en 2015. Néanmoins, les disparitions ont doublées au cours des deux dernières années. Selon le média indépendant El Faro, le président aurait en fait négocié une baisse des activités criminelles avec des chefs de gangs déjà incarcérés en leur promettant de meilleures conditions de détention.
En février 2020, après que l’Assemblée ait refusé de débloquer un budget de 109 millions de dollars pour le plan contre la corruption proposé par Bukele, ce dernier fit irruption dans la chambre des députés entouré d’un groupe militaire armé. Il défend son action par trois motifs : le soutien que la population salvadorienne lui garantie, la Constitution – lui permettant d’invoquer une « session spéciale » – et l’armée, qui n’aurait fait qu’acte de présence.
Conservatisme ou modernité ?
Cette dichotomie semble être assez représentative de la stratégie de Bukele qui, s’affichant comme un Président des jeunes, reste pour autant fixé sur des positions très conservatrices : opposé à l’avortement et au mariage homosexuel. Pourtant, des mesures plus progressistes promettaient d’être adoptées grâce à la rédaction d’une nouvelle Constitution. Auparavant défini comme une union entre « un homme et une femme », le mariage devait être considéré comme un mariage entre « conjoints » afin de rendre légal le mariage homosexuel. L’avortement devait pour sa part être légalisé à des fins thérapeutiques, c’est-à-dire lorsque la santé de la mère est en danger. Enfin, des propositions devaient être émises quant à la régulation de l’euthanasie. Mais ces trois sujets ont été supprimés du texte de loi, prouesse dont Bukele s’est d’ailleurs attribué le mérite sur Twitter.
Dans un tout autre registre, pourtant, le Salvador fait figure de précurseur en devenant le 7 septembre dernier le premier pays à introduire le bitcoin comme monnaie officielle à côté du dollar américain. Cette mesure, justifiée par ce qu’elle permet en termes « d’inclusion monétaire » est néanmoins critiquée par le FMI (Fond Monétaire International).
Un président et un peuple
Ce qui fait la popularité du Président Nayib Bukele est probablement son discours simpliste, sa volonté affichée de mener une politique proche du peuple et contre les élites financières et politiques. Dans un discours d’avril 2020, il abordait le rôle des entreprises dans la crise sanitaire. Il demandait à ces dernières de faire un effort en baissant les prix et les priait de ne pas s’attarder sur les pertes qu’elles pourraient réaliser pour la raison qu’elles détiendraient assez de capital pour vivre dix voir « vingt vies ». Il en appelait donc « aux bons » et « aux mauvais chefs d’entreprise » pour qu’ils soient solidaires vis-à-vis de leur familles et de celles familles des autres.
La crise du Covid-19 fut en ce sens un exemple de ce double jeu entre redistribution et autoritarisme. Alors que le gouvernement offrait 300 dollars d’allocation, des paniers alimentaires et un nouvel hôpital, le non-respect du couvre-feu était punissable par la prison, dans des conditions insalubres favorisant la transmission du virus.
La solidarité, la famille et Dieu sont des thèmes que Bukele exploite avec abondance. Il n’hésite pas à mettre en avant sa foi chrétienne dans un pays composé, en 2014, de 50% de catholiques et de 38% de protestants.
Sa popularité semble néanmoins s’essouffler depuis quelques mois. En effet, sa réforme sur la cryptomonnaie et sur le bitcoin est rejetée à 70% dans le pays et mobilise des milliers de Salvadoriens dans les rues. Ces derniers dénoncent la « dictature » ou « l’autoritarisme » et demandent le retour d’un espace plus démocratique.
Julie Gatelier
Ajouter un commentaire