Sous la tutelle de son père depuis maintenant quatorze ans, spoliée de tous ses biens et privée de ses droits, la chanteuse étasunienne et icône de pop culture, Britney Spears, 39 ans, lutte dans l’espoir de retrouver un jour sa liberté. Le destin de la spectaculaire Britney Spears est désormais au cœur d’une bataille juridique intense et tragique qui fait vibrer l’Amérique. Elle est aujourd’hui, bien malgré elle, devenue le symbole du cauchemar de la célébrité et le martyr des logiques et machinations cruelles de l’industrie musicale.
Britney Spears, une icône de la pop
Avec près de cent millions d’albums vendus au cours de sa carrière, la chanteuse originaire de Louisiane, a dominé l’industrie musicale pendant près d’une décennie. Un succès spectaculaire et planétaire qu’elle obtient dès l’âge de 16 ans avec son premier titre « …Baby One More Time » paru en 1998. Une chanson entraînante et provocante considérée désormais comme une référence de la musique pop et qui a propulsé la marque Britney Spears à l’échelle mondiale. La chanson est classée numéro un dans plusieurs pays et hisse la jeune adolescente au rang de star de la pop.
Avec sa voix sucrée et malicieuse caractéristique, ses cheveux blonds signature et ses chorégraphies prodigieuses, Britney Spears séduit immédiatement tout une partie de l’Amérique et en particulier la jeunesse. Les médias la baptisent rapidement « la princesse de la pop », « la nouvelle Madonna » ou encore « America’s sweetheart » (l’enfant chéri de l’Amérique). Fille de parents sudistes conservateurs et chrétiens, elle n’en demeure pas moins provocante, comme lorsqu’elle embrasse Madonna lors des VMA de 2003 face aux caméras du monde entier. Britney Spears plaît à tous et enchaîne les succès musicaux, les albums et les tournées de stades.
Rapidement, elle devient la proie des tabloïds, elle est harcelée jour et nuit et sa vie sentimentale comme sexuelle est publiée quotidiennement aux yeux de tous. « Les paparazzis étaient hors de contrôle » raconte dans une interview Paris Hilton, avec qui la chanteuse sortait souvent à cette époque, « ils se battaient pour avoir la photo, se poussaient contre ma voiture, la rayaient avec leurs appareils. C’était accablant et effrayant ». Progressivement, Britney Spears devient le visage d’une véritable industrie, d’une machine de « show-business » colossale. Durant ses tournées, l’ensemble de ses équipes doit réserver une douzaine de bus et des hôtels entiers à chaque déplacement. Une industrie très lucrative qui engrange plusieurs centaines de millions de dollars chaque année en concerts, albums, publicités et autres produits.
L’effondrement
Dans ce contexte de pression médiatique oppressante, en 2006, Britney Spears donne naissance à ses deux enfants Sean et Jayden James nés de son mariage avec Kevin Federline. Peu de temps après, en 2007, le couple annonce son divorce. S’ensuit une série d’événements troubles et tragiques qui encore aujourd’hui sont sujets à une multitude de débats et engendrent tout autant de rumeurs. Victime de la pression des « enfants-star », souffrant probablement d’addictions, du harcèlement médiatique et de troubles liés à sa santé mentale (certains parlent de dépression post-partum, d’autres de bipolarité), Britney Spears subit dans le courant des années 2007 et 2008 une série de crises nerveuses qui sont relayées par les médias du monde entier.
L’incident le plus tristement célèbre, qui marquera à jamais la carrière de la jeune chanteuse, est la dépression nerveuse de 2007 durant laquelle Britney Spears, s’échappant d’une cure de désintoxication, se rase la tête et s’en prend violemment aux paparazzi. Les images de l’incident, désormais tragiquement notoires, sur lesquelles on peut voir Britney Spears presque chauve, frappant une voiture avec un parapluie, sont visionnées par des millions d’individus à travers le monde et relayées par l’ensemble des tabloïds. A la suite de cet incident, son ex-mari, Kevin Federline, porte plainte pour obtenir la garde exclusive de leurs deux fils.
Le harcèlement médiatique brutal dont est victime la chanteuse prend une ampleur toute particulière durant ces années-là. « Ces dernières années ont été assez difficiles pour moi, les médias ont critiqué chacun de mes gestes et ont imprimé une perception biaisée de qui je suis vraiment en tant qu’être humain. » écrit la chanteuse dans une lettre en 2007 à ses fans. Des affaires et rumeurs de maltraitance, d’abus et de négligences à l’encontre de ses enfants émergent dans la presse. Son état de santé mentale est remis en question régulièrement par les médias américains qui en font un objet de railleries. En 2008, la chanteuse est admise au Cedars-Sinai Medical Center pour une évaluation de son état psychiatrique et son ex-mari obtient la garde exclusive de ses deux enfants. Un événement qui va mener à un second internement de force de la chanteuse au UCLA Medical Center à la suite d’un incident avec la police, en raison de son refus de remettre ses enfants à son ex-conjoint. Ce nouvel épisode de détresse fera la une des médias. Les images et vidéos de Britney Spears, attachée à une civière et escortée par des hordes de policiers jusqu’à l’hôpital achèveront de ternir la réputation de la « princesse de la pop ».
La tutelle et l’émergence du mouvement #FreeBritney
Selon le site freebritney.army, qui a recensé les informations relatives à l’affaire et qui propose une chronologie complète et détaillée des événements, c’est à la suite de ce dernier incident que Britney Spears, 26 ans à l’époque, se voit imposer une tutelle. Appelée « conservatorship » en anglais, « la tutelle est une mesure judiciaire destinée à protéger une personne majeure et/ou tout ou partie de son patrimoine si elle n’est plus en état de veiller sur ses propres intérêts ». Selon sa définition, « la tutelle s’adresse à une personne majeure ayant besoin d’être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile, du fait de l’altération de ses facultés mentales ou lorsqu’elle est physiquement incapable d’exprimer sa volonté. ». Sous cette tutelle, l’ensemble du patrimoine de la chanteuse est mis sous le contrôle strict de son père, James Parnell Spears, soit une fortune estimée à l’époque à près de 100 millions de dollars d’après les documents du tribunal.
La vie intime, les décisions personnelles, de Britney Spears sont administrées par ses équipes et avant tout par son père, qui devient juridiquement son « conservator ». Les détails de la tutelle restent encore vagues, cependant, les fuites courantes qui surviennent dans la presse et les rapports juridiques semblent indiquer que James P. Spears aurait un contrôle pratiquement absolu sur tous les aspects de la vie de sa fille. Les possibilités de parler en public, de sortir de chez elle, d’utiliser son téléphone et de voir son conjoint ou ses enfants sont désormais soumises à l’autorisation stricte de son père. Les possibilités d’avoir des enfants, de se marier ou simplement son traitement contraceptif relèvent de la décision paternelle. Cette tutelle draconienne qui devait être à l’origine seulement temporaire s’est pérennisée à la demande de James P. Spears et la manageuse de Britney Spears, Lou Taylor.
C’est cette tutelle brutale qui est aujourd’hui au cœur de l’une des affaires les plus suivies de la décennie aux Etats-Unis. Dès 2008 et l’annonce de la mise sous tutelle de Britney Spears, une partie des fans de la chanteuse se mobilise pour dénoncer ce qu’ils estiment être une mesure abusive et illégale. Naît alors le mouvement #FreeBritney (Libérez Britney).
Engouement et révélations autour de l’affaire Britney Spears
Bien qu’à l’origine la mise sous tutelle de la pop-star ait été justifiée par sa santé mentale extrêmement fragile (elle est qualifiée GD, « Greatly Disabled », « sévèrement handicapée »), la pertinence de celle-ci est largement remise en cause. Les révélations qui ont suivi depuis lors, ont mis au jour des machinations sombres et des conflits d’intérêts douteux autour des décisions judiciaires de l’époque qui demeurent encore aujourd’hui sous le sceau de la confidentialité juridique. Le mouvement #FreeBritney, qualifié de « conspirationniste » par James P. Spears et qui était souvent tourné en dérision, a connu dans les dernières années un fort regain d’intérêt au sein de l’opinion publique et des médias.
Des questions surviennent notamment quant à la mise sous tutelle de façon pérenne par James P. Spears, qui aurait été motivée par des intérêts principalement financiers plus que par souci du bien-être de sa fille. Une façon de préserver l’industrie que représente Britney Spears tout en la mettant à l’écart. En effet, à partir de 2008 et sa mise sous tutelle, Britney Spears a sorti quatre albums, effectué trois tournées mondiales et plusieurs spectacles à Las Vegas tout en étant juge pour l’émission X Factor. Des activités très lucratives mais dont la chanteuse ne peut percevoir les bénéfices économiques. Plusieurs documents surgissent attestant d’une volonté de la part de la chanteuse de se défaire de sa tutelle oppressive. Dans une interview pour MTV de 2008 elle s’exprime explicitement sur cette question pour la première fois en disant « Si je n’étais pas sous les contraintes que je subis en ce moment, avec tous les médecins, les avocats et les gens qui m’analysent tous les jours, je me sentirais libérée, je me sentirais moi-même.”. Dans les dix années qui suivent cette interview, la chanteuse ne parle pratiquement plus de sa situation. Plusieurs fans s’inquiètent d’une tutelle abusive dans laquelle Britney Spears serait exploitée à des fins économiques par sa propre famille.
L’état de santé mentale de la chanteuse est également remis en question. Certains fans se demandent comment une personne considérée comme « sévèrement handicapée », donc incapable de gérer ses biens et même son propre corps, peut promouvoir quatre albums, réaliser plus de deux cents concerts et lancer une marque de parfum générant au total 131 millions de dollars. Le refus notamment de la part de James P. Spears d’autoriser une nouvelle expertise médicale après celle de 2008 pour évaluer l’état de santé de la chanteuse et remettre possiblement en question la tutelle est vu d’un mauvais œil par les fans et la National Association to Stop Guardian Abuse, une association qui lutte contre les tutelles abusives aux Etats-Unis. L’association rappelle, concernant l’affaire Britney Spears, que « le problème majeur avec la mise sous tutelle est qu’elle prive une personne des droits légaux de se battre contre elle. ».
Depuis 2019
L’affaire prend de l’ampleur en 2019 lorsque Britney Spears annonce sur son compte Instagram, par un message minimaliste, l’annulation subite de son concert à Las Vegas, quelques mois seulement avant son lancement en expliquant qu’elle souhaite « prendre un peu de temps pour elle-même ». Un mystérieux message vocal, envoyé dans les jours suivants au mouvement #FreeBritney, par un homme qui se dit être un aide-soignant, révèle que la chanteuse serait internée contre son gré dans un hôpital psychiatrique.
Immédiatement, l’affaire explose aux Etats-Unis, sur les réseaux sociaux, les fans rejoignent en masse le mouvement #FreeBritney et partent à la recherche d’indices qui prouveraient la situation critique de la chanteuse, notamment sur son compte Instagram. Images, vidéos, messages sont analysés et interprétés comme des signaux possibles de la part de la chanteuse. Le visage fatigué et le regard nerveux de la chanteuse suscitent des inquiétudes auprès des fans qui suspectent des abus psychologiques. Des dizaines de célébrités telles que Miley Cyrus, Madonna, Dua Lipa ou encore Ariana Grande lui offrent publiquement leur soutien et appellent à mettre un terme à la tutelle derrière le cri de ralliement qu’est devenu #FreeBritney. Le mouvement organise des manifestations à travers le pays et devant les tribunaux notamment après le refus en 2020, par un juge de Los Angeles, de retirer James P. Spears comme « conservateur » de sa fille en dépit de ses demandes répétées. Les différents documents juridiques et actualités sur l’affaire sont relayés instantanément sur les réseaux sociaux et, ironie de l’affaire, par les tabloïds. Le 5 février 2021, la sortie du documentaire d’Amazon Prime, « Framing Britney Spears », retraçant l’ensemble des déboires de la star et révélant le traitement sordide qui lui avait été réservé par la presse, provoque une véritable onde de choc et contribue à la médiatisation massive de l’affaire.
« Je mérite d’avoir une vie »
C’est enfin le 24 juin 2021 que la chanteuse s’exprime sur la question dans le cadre d’une audience téléphonique au tribunal de Los Angeles pour demander la levée de sa tutelle. Son témoignage est retransmis en direct en ligne. « Les personnes qui m’ont fait ça, ne devraient pas être autorisées à repartir librement aussi facilement » dit-elle avant de commencer « Je crois vraiment que cette mise sous tutelle est abusive. Je n’ai pas l’impression de pouvoir vivre pleinement ma vie. ». Pendant près de vingt-trois minutes, sa voix, frénétique et grave, résonne à l’extérieur du tribunal auprès de 120 fans venus la soutenir. Un silence absolu de vingt-trois minutes durant lequel tous apprennent que leurs pires craintes s’avèrent bien réelles. Britney Spears décrit un système de menaces, d’abus, d’exploitation et de punitions entretenu par la totalité de son entourage.
En parlant du stérilet qui lui a été implanté, elle explique que « cette soi-disant équipe ne me laisse pas aller chez le médecin pour l’enlever parce qu’ils ne veulent pas que j’aie d’enfants » alors que « je veux pouvoir me marier et avoir un bébé ». Quant à son refus de faire son show de Las Vegas, elle explique que son médecin l’a « immédiatement mis sous lithium, sans raison apparente. Il m’a enlevé mes médicaments habituels que je prenais depuis cinq ans. Et le lithium est un médicament très, très fort (…). Si vous en prenez trop, si vous restez dessus plus de cinq mois, vous risquez de souffrir de troubles mentaux. » dit-elle « je me sentais ivre. Je ne pouvais même pas me défendre. Je ne pouvais même pas avoir une conversation avec ma mère ou mon père sur quoi que ce soit. Je lui ai dit que j’avais peur. ».
Un témoignage glaçant dans lequel Britney Spears raconte les menaces à son encontre en cas de refus de travailler. Des menaces de ne plus voir ses enfants ou son copain. « Je suis traumatisée. Je ne suis pas heureuse. Je n’arrive pas à dormir. Je suis tellement en colère que c’est fou. » dit-elle « Je mérite d’avoir une vie ». « Mon corps précieux, qui a travaillé pour mon père pendant les treize dernières putain d’années, essayant d’être d’être gentille et jolie. Si parfaite. Alors qu’il me fait travailler si dur. Alors je fais tout ce qu’on me dit » ajoute-t-elle, la colère dans sa voix. Une tirade violente également à l’encontre du système judiciaire californien qui « a laissé faire tout ça ». « Je voudrais rester au téléphone avec vous pour toujours » conclue-t-elle « une fois que j’aurais raccroché (…) je me sentirais harcelée et seule. Je suis fatiguée de me sentir seule. Je mérite d’avoir les mêmes droits que n’importe qui, en ayant un enfant, une famille, n’importe laquelle de ces choses. ».
Un témoignage brutal mais vain puisque quelques jours après, à la stupeur générale, le tribunal de Los Angeles annonce le refus de lever la tutelle. Toutefois, la chanteuse a pris la décision de porter plainte contre son père pour abus de tutelle. Une nouvelle bataille juridique va débuter, dans laquelle Britney Spears a eu l’autorisation de choisir, pour la première fois depuis sa mise sous tutelle, son propre avocat, Mathew Rosengart, un des avocats les plus réputés de Hollywood et qui, d’après certaines sources du mouvement #FreeBritney, aurait été recommandé par Madonna elle-même.
La saga juridique de Britney Spears est donc entrée dans un nouveau tournant. Une saga tragique et palpitante qui révèle les sinistres dessous de l’industrie de la musique et les conséquences réelles de l’étouffante médiatisation d’une femme, enfant-star, qui a vu sa famille se déchirer autours de sa carrière et s’effondrer dans les pièges de la célébrité. En attendant les prochains développements de l’affaire, que le monde suivra avec attention, la chanteuse a repris le contrôle de son compte Instagram. Elle y a récemment posté plusieurs messages mentionnant pour la première fois explicitement sa situation. Elle y dénonce les « hypocrites » qui profitent de sa situation mais qui n’ont jamais été présents auprès d’elle au fil des années et remercie « tous [ses] fans qui [la] soutiennent » terminant son message par « #freebritney ».
V.M d’Avigneau
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