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Prix On’ 2021 / Romans : « Un jour ce sera vide » de Hugo Lindenberg

Pour cette nouvelle édition du Prix littéraire On’, nos jurés se sont penchés sur six romans de la rentrée littéraire de septembre 2020. Toutes les deux semaines, découvrez ce qu’ils ont pensé des livres en compétition. Au programme cette semaine : Un jour ce sera vide de Hugo Lindenberg, aux éditions Christian Bourgois.

Un été, en Normandie. Le jeune narrateur, qui ne sera jamais nommé tout au long du récit, passe ses journées sur la plage avec pour seule compagnie sa solitude et ses interrogations d’enfant. De loin, il contemple les autres familles, celles qui ont l’air « normales », portées par des mères aimantes, et se nourrit de ce spectacle réconfortant. Un jour, alors qu’il observe le cadavre translucide d’une méduse échouée sur le sable, il fait la connaissance d’un enfant de son âge, Baptiste. Immédiatement, les deux garçons se lient d’une amitié, d’autant plus forte qu’elle est fondée sur un déséquilibre de taille : Baptiste a une famille parfaite. Un nouveau monde s’ouvre alors à notre narrateur qui, flanqué d’une grand-mère à l’accent polonais trop prononcé et d’une tante « monstrueuse », ne tardera pourtant pas à s’interroger sur son appartenance. Vers où ira sa loyauté ?

Estelle Cocco : « Un récit touchant porté par une plume délicate »

Avec Un jour ce sera vide, Hugo Lindenberg signe un récit touchant porté par une plume délicate, emplie de beauté et de sensibilité, même lorsqu’elle traite de solitude et de tristesse. Son écriture riche, parfois même chargée, confère un ton poétique au récit et donne une résonance toute particulière aux thématiques abordées par l’auteur. Ainsi, l’enfance, et tout ce qu’elle implique, n’a jamais été traitée de manière aussi pertinente. En donnant la parole à un enfant, Hugo Lindenberg décortique avec justesse cette période de la vie où la moindre émotion inconnue déstabilise, où tout semble se décupler pour former une mer de sentiments déchaînés et incompréhensibles. Du haut de son jeune âge, le narrateur se dévoile, naïvement et avec toute la sincérité dont il fait preuve. En se confiant sur ses peines, ses rêves et ses besoins, il fait se réveiller en nous, lecteurs, des souvenirs de cette période universelle de l’enfance faite de doutes et d’insécurité. Dans son livre, Hugo Lindenberg donne également de la voix aux marginaux, à tous ceux qui ne démarrent pas dans la vie, avec les mêmes chances que les autres et évoluent ainsi en dehors des « normes ». À nouveau, la lucidité du narrateur à son propre égard touche profondément. Conscient de sa condition et de sa différence, il ne sait que trop bien qu’il devra constamment redoubler d’efforts pour espérer égaler les autres. Il passe ainsi son temps à fuir son quotidien en rêvant d’une autre vie, une vie normale, faite d’amour, de tendresse et surtout de présence. Et lorsque son chemin croise celui de Baptiste, le narrateur ose enfin s’extraire du milieu froid et triste qui était le sien jusqu’alors mais qui pesait trop lourd sur ses épaules d’enfant. Par le biais de son nouvel ami, il goûte ainsi à la vie qu’il avait toujours idéalisée, reniant au passage son monde, et notamment sa grand-mère qu’il aime profondément mais qui l’embarrasse plus encore.

Aymée Nakasato : « Ce roman est moins léger qu’il n’y paraît »

Hugo Lindenberg livre un premier roman touchant sur l’enfance. Meurtri par la soudaine disparition de sa mère, le narrateur contemple le « spectacle des familles » sur les plages normandes pour analyser la consistance du bonheur. Il rencontre Baptiste, qui incarne avec sa famille ce que le narrateur cherche en vain : le raffinement, le bonheur et surtout la normalité : « J’aurais bu leur sang si ça m’avait permis de comprendre ce que c’est que d’avoir une famille comme les autres ». Le narrateur doit se contenter d’une grand-mère à l’accent prononcé et d’une tante dépressive au physique monstrueux, décrites de manière crue tels des personnages houellebecquiens. D’une plume poétique, ce roman est moins léger qu’il n’y paraît car il nous dévoile la construction identitaire de ce petit garçon qui est au cœur d’une honte sociale et d’un silence familial qui remonte à la Shoah.

Juliette Guérit : « On ne s’attache que difficilement aux personnages »

La fin est aussi décevante que le reste du roman est oubliable. On suit un jeune garçon en vacances avec sa grand-mère et sa tante en Normandie. Il fait la rencontre de Baptiste et vit à travers lui la vie de famille qu’il n’a pas connue. Des allusions à la Shoah jalonnent le récit sans qu’on ne comprenne jamais vraiment ce qu’il s’est passé dans l’histoire du protagoniste. Je suis peut-être passée complètement à côté du propos du roman mais il m’a laissé un goût d’inachevé, comme si l’auteur n’allait jamais au bout de ce qu’il voulait dire. Le roman traite de l’absence mais on ne s’attache que difficilement aux personnages, on n’a donc peu d’empathie pour eux. Les seuls personnages attachants sont Baptiste et la mère de celui-ci qu’on se prend à aimer à travers les yeux du protagoniste. Mon avis aurait pu être différent si l’auteur avait choisi de finir sur une fin ouverte avec l’avant-dernier chapitre, donnant ainsi la liberté au lecteur d’avoir une réflexion sur la portée du roman. Néanmoins, j’ai trouvé le style bon.

Photo de couverture : Elisa Fernandez

Estelle Cocco, Aymée Nakasato et Juliette Guérit

La rédaction

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