Le 2 novembre 2020, la coopérative colombienne CENCOIC a gagné le prix international de la finance solidaire. CENCOIC étant engagée dans la collecte et la commercialisation d’un café équitable, cette récompense souligne une initiative à la symbolique forte, mettant à l’honneur l’engagement en faveur du respect de l’environnement et d’une société multiculturelle.
Créé en 2009 en partenariat avec le journal Le Monde, le Grand prix de la finance solidaire, remis par l’association française Finansol, met à l’honneur les entrepreneurs solidaires. Une catégorie dont fait partie la coopérative colombienne CENCOIC, qui a été distinguée pour l’année 2020 grâce à son engagement en faveur du commerce équitable.
CENCOIC: une coopérative chargée d’histoire
La création de CENCOIC remonte à l’année 1980, année où un groupe d’entrepreneurs décide de tirer profit du potentiel agricole de la région colombienne du Cauca en fondant une organisation solidaire dédiée à la commercialisation directe et efficace du café indigène. Aux prises avec les violences liées au conflit avec les FARC, déstabilisée par une insécurité persistante et en proie à une forte implantation de cultures illicites (coca et cannabis), la région du Cauca s’appuie tout de même sur cette initiative pour tenter de revaloriser ses richesses et sa culture. En effet, la majorité des habitants vénère la « pacha mama » (« terre mère » en français) et voit donc la vie, l’eau et la nature comme des êtres spirituels, ce qui se traduit par une volonté de protéger l’environnement. Or n’est-ce pas précisément cela la soutenabilité? Une sorte de réhabilitation de la terre comme richesse primaire, nous poussant à prendre conscience qu’une terre sans cesse abîmée par l’activité humaine ne pourra bientôt plus subvenir à nos besoins? Une vision de la terre comme ressource primordiale nécessitant d’être protégée?
CENCOIC: une coopérative écologique et équitable
Dans cette idée de préservation de l’environnement, la coopérative met en place de plus en plus de technologies innovantes cherchant à limiter au maximum les déchets et à respecter au mieux l’écosystème de la région. C’est ainsi que beaucoup de membres s’engagent dans l’agro-écologie, forme de production agricole fondée sur les possibilités offertes par les écosystèmes. Il s’agit notamment de préserver la diversité qu’ils offrent en continuant dans la voie de la polyculture (cultures de sucre de canne mais aussi de bananiers par exemple) ou en maintenant la présence de petits animaux comme les cuyes ou les poules sur les parcelles. Plus globalement, la coopérative cherche à exploiter tous les excédents issus des récoltes en les transformant puis en les réintégrant dans la terre. En outre, la gestion de l’eau est très étudiée. Ainsi, l’eau utilisée pour laver le café est uniquement de l’eau de pluie, simplement filtrée avant le processus de lavage. Quant aux déchets, ils sont recyclés. C’est aussi le cas de la matière organique, grâce aux écosites mis à la disposition des producteurs, tandis que le plastique est envoyé à une entreprise spécialisée qui le transforme et le réutilise.
Mais au-delà de proposer un projet soutenable au niveau environnemental, CENCOIC promeut également une économie solidaire et inclusive. En effet, la coopérative a aussi pour principal objectif la sauvegarde des pratiques indigènes et le renforcement de ces communautés. Ainsi, elle forme les producteurs membres à des processus de production toujours plus équitables offrant une valeur ajoutée au café produit, leur dégage de nouveaux revenus en assurant l’exportation et préserve ces collectivités en torréfiant une partie du café collecté afin de le vendre localement. Cela permet d’ancrer la qualité de la production indigène au sein du marché national. En concordance avec le mode de vie et les traditions indigènes, la coopérative fonctionne beaucoup sur la base de la solidarité et de la coopération. Ainsi, le partage des semences et la pratique de l’échange de services sont encouragés. Finalement, si ce projet multipliant les critères agricoles assez contraignants et étant seulement constitué de fermes de petite taille (1 hectare par famille) a eu du mal à s’imposer sur les grands marchés internationaux, la coopérative a pourtant su survivre de manière pérenne en misant sur l’autonomie en accord avec la philosophie indigène qui met en avant la souveraineté alimentaire.

CENCOIC: une coopérative promouvant un nouveau mode de vie
Désormais bien implantée, la coopérative a décidé, depuis 2006, de diversifier son activité, notamment en créant un département dédié à la production de médicaments. Si cette nouvelle direction peut sembler assez inattendue, elle traduit en fait la volonté d’utiliser tout le potentiel offert par la nature et de revenir vers un style de vie plus sobre s’éloignant d’un capitalisme productiviste, pollueur, inégalitaire et parfois même nocif pour la santé. Ce département se charge alors de l’approvisionnement des communautés indigènes en services de santé, dont elles étaient jusqu’ici, en raison de leur situation assez précaire, souvent privées. Mais cette section tente aussi d’ouvrir la voie de la dé-médicalisation en se servant des propriétés médicinales des plantes pour les substituer, quand cela est possible, aux médicaments fabriqués chimiquement en laboratoire, dont les effets secondaires sont souvent minimisés. Une nouvelle fois, il s’agit de faire reconnaître les méthodes utilisées depuis des centaines d’années par les communautés indigènes qui offrent des avantages en termes de préservation de l’environnement.
Finalement, plus qu’une simple récompense, la réception du prix international de la finance solidaire par CENCOIC illustre la puissance que peuvent avoir certaines initiatives citoyennes et locales. Elle pose la question de la soutenabilité de notre modèle économique en ouvrant la voie vers une sorte de retour à des circuits agricoles de plus petite envergure. Revenir à des pratiques moins ultra-mécanisées, laisser l’agriculture reposer sur les richesses de la terre et respecter les cycles de la nature ne serait-il pas finalement le chemin à suivre pour atteindre un développement plus durable?
Margot Delamarre
Image de bannière : Collecte de café par un membre de la coopérative (site internet de CENCOIC)
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