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Féministes sans frontières

En 2011, la militante Isabelle Alonso affirmait déjà : « Tant qu’une seule femme sur la planète subira les effets du sexisme, la lutte des femmes sera légitime, et le féminisme nécessaire ». Aujourd’hui, l’objectif du féminisme semble donc clair : promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes au niveau planétaire. Mais alors quel est l’historique de cette mondialisation du féminisme, comment le féminisme est-il devenu un enjeu international? 

Le féminisme : un mouvement international depuis ses débuts? 

Dès les années 1970, époque de la réelle implantation du féminisme au niveau politique, on retrouve une volonté d’inclure une échelle transnationale au sein du mouvement. Cela lui a alors permis de s’ancrer dans de nombreuses régions à travers le monde, comme l’Inde, le Moyen-Orient, l’Afrique ou la Chine. Ainsi, dès 1998, on trouve par exemple un fort militantisme féministe et lesbien à Delhi, notamment en réaction aux violentes critiques reçues par le film Fire de Deepa Metha, qui aborde l’homosexualité et la liberté d’expression des femmes et que les extrémistes hindou.e.s trouvaient contraire à la religion. Plus tard, les idées féministes sont aussi très prégnantes durant le printemps arabe. En effet, les femmes jouent un rôle moteur dans le déclenchement des révolutions. En Egypte, on peut notamment mentionner Asmaa Mahfouz, une jeune youtubeuse qui a appelé sa communauté à descendre dans les rues le 25 janvier 2011 en incitant «  tous les hommes et toutes les femmes à quitter leurs écrans et à se rassembler dans les rues du Caire » afin de protester contre le régime corrompu de Hosni Moubarak. Cet appel a alors marqué une certaine rupture avec la tradition égyptienne qui a longtemps exclu les femmes de la vie politique et militante. Ainsi, le féminisme est donc, depuis longtemps, un mouvement qui s’étend au niveau mondial. 

#MeToo : la concrétisation d’un féminisme mondialisé 

Cependant, c’est avec le mouvement #MeToo que la mondialisation du féminisme s’accélère. En octobre 2017, des articles du New York Times et du New Yorker révèlent une douzaine d’accusations d’agressions sexuelles contre le célèbre producteur américain Harvey Weinstein. Très vite, l’affaire prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux et pousse des millions de femmes (on compte 3 millions de tweets comprenant le #MeToo en 2017) à témoigner des violences qu’elles ont subies via le hashtag #MeToo. Ce mouvement est crucial pour le féminisme moderne car il a, à la fois, amorcé un processus de compréhension, par les hommes, de l’ampleur des violences subies par les femmes et, plus largement, d’un quotidien féminin marqué par le sexisme. Aussi, il a montré que les idées féministes possèdent une résonance mondiale. En effet, sur Twitter, Instagram, Facebook, les publications avec le hashtag #MeToo se multiplient à vitesse éclair et émanent de partout dans le monde : des Etats-Unis bien sûr mais aussi du Canada, de l’Europe, du Japon, et même du monde arabe et du Moyen-Orient. 

Ce mouvement a alors pour conséquence de donner au féminisme un côté plus « mainstream » : aujourd’hui, en dehors des régimes autoritaires et des dictatures, il est beaucoup plus facile pour une jeune fille d’affirmer ouvertement qu’elle est féministe qu’il y a quelques dizaine d’années. #MeToo a en fait relevé le défi de créer une communauté féminine qui dépasse les frontières, de faire prendre conscience aux femmes qu’elles ont des expériences de vie similaires et qu’elles sont plus fortes ensemble. Et cet esprit de sororité croissant est aujourd’hui aussi encouragé par des figures célèbres. 

Le féminisme multiforme de l’ère post-#MeToo

En effet, si le féminisme prend une nouvelle tournure c’est également grâce à la prise de position, sur ce sujet, de stars de la pop culture, qui servent de modèle à toute une nouvelle génération. Dans ce domaine, c’est Beyoncé qui a ouvert la voix, notamment avec sa prestation aux MTV Video Music Awards de 2014 où le public a vu s’allumer derrière elle les huit lettres du mot « feminist ». Mais aussi, avec sa citation, dans le tube Flawless, du discours féministe prononcé par Chimamanda Ngozi Adichie, romancière et essayiste nigérienne, lors d’un TEDx Talk très remarqué. En effet, c’est ainsi grâce à Beyoncé que les mots de Chimamanda Ngozi Adichie se sont ancrés dans la mémoire collective internationale et ont même conquis le secteur du luxe français puisque la pièce phare de la collection printemps-été 2017 de Dior fut un T-shirt avec le message « We should all be feminists », titre du livre de l’écrivaine nigérienne, placardé dessus. Après #MeToo cette revendication du féminisme par les figures de la pop se généralise, et ce, partout dans le monde. Ainsi, les retombées du mouvement au Moyen-Orient peuvent par exemple être symbolisées par l’interprétation, par la chanteuse israélienne Netta Barzilai, de sa chanson Toy, inspirée de ces revendications féministes, le 12 mai 2018, sur la scène de l’Eurovision. En Europe, la chanteuse Angèle devient rapidement un symbole de la lutte féministe avec sa chanson Balance ton quoi, clairement issue de la branche française du hashtag #MeToo, #BalanceTonPorc. Elle est notamment clamée, au cours de la marche française contre les violences sexistes qui rassemble plus de 49 000 manifestant.e.s le 23 novembre 2019. En effet, le féminisme post-#MeToo, ne se fait pas que sur scène car il s’impose aussi dans la rue. Ainsi, dans la lignée de ce mouvement global de dénonciation, les manifestations pour l’égalité femme-homme se multiplient partout dans le monde. Lors de la Journée internationale des Droits des Femmes du 8 mars 2020, des milliers de femmes se sont pas exemple réunies partout dans le monde pour porter leurs revendications : autant au Chili, qu’en Allemagne, qu’en Italie ou qu’au Soudan. Plus récemment, les Polonais.e.s sont aussi descendu.e.s massivement dans la rue afin de protester contre la nouvelle loi anti-avortement. En effet, suite à l’annonce, le 22 octobre 2020, de l’interdiction de l’avortement hors cas d’inceste ou de viol, plus de 100 000 personnes investissent les rues de Varsovie et obtiennent en partie gain de cause puisque l’adoption de la loi polonaise a finalement été reportée. 

Enfin, prôner un féminisme global c’est aussi prôner un féminisme inclusif et intersectionnel. Ainsi, si on a longtemps reproché au féminisme des années 1970 d’être un mouvement blanc et bourgeois, le féminisme contemporain tente d’intégrer et d’offrir un espace de visibilité aux femmes subissant le sexisme mais aussi le racisme, l’homophobie ou la transphobie. 

Finalement, être féministe aujourd’hui, c’est se battre pour l’égalité entre les sexes à tous les niveaux, et ce peu importe son origine, son orientation sexuelle ou son identité de genre. Être féministe au XXIème siècle, c’est porter un combat qui n’a pas de frontières. 

Manifestation pour la Journée internationale des Droits des Femmes du 8 mars 2020 à Santiago, Chili (Javier TORRES, AFP)
Manifestation pour la Journée internationale des droits des Femmes du 8 mars 2020 à Berlin, Allemagne (Nadja WOHLLEBEN, Reuters)

Manifestation pour la Journée internationale des Droits des Femmes, Milan, Italie (Miguel MEDINA, AFP)
Manifestation pour la Journée Internationale des Droits des Femmes, devant le Ministère de la Justice de Khartoum, Soudan (Ashraf SHAZLY, AFP)
Performance de Beyoncé aux MTV Video Music Awards de 2014 (Jason LAVERIS, FilmMagic/GettyImages)

Sources : 

https://www.liberation.fr/debats/2018/10/15/metoo-une-revolte-feministe-globalisee_1685475

https://journals.openedition.org/cedref/425

https://www.arte.tv/fr/videos/086901-000-A/pop-feminisme/

https://www.lexpress.fr/actualite/monde/le-combat-des-femmes-dans-les-revolutions-du-monde-arabe_965647.html

photo de couverture :  Performance de Beyoncé aux MTV Video Music Awards de 2014 (Jason LAVERIS, FilmMagic/GettyImages)  

Margot Delamarre

Margot Delamarre

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