On n’a jamais été aussi proche les uns des autres et paradoxalement aussi éloignés et seuls individuellement. Les réseaux sociaux nous donne la fausse impression d’être au cœur des événements et d’appartenir à une grande famille, mais une fois notre smartphone éteint, la vie apparaît pour beaucoup sans saveur.
Alors en quoi la révolution numérique bouleverse nos rapports humains au point de nous transformer insidieusement en être hybride ?
De la nécessité d’exhiber
On ne conçoit plus de participer à un événement, passer trois jours à la mer ou prendre un verre dans un bar branchouille entre potes sans poster une story Instagram ou quelques photos de l’instant.
C’est un peu comme si l’approbation des autres – par des like ou des vus – validait la valeur du moment vécu. Comme si on déclarait en affichant ces moments de vie aux yeux des autres « non je ne suis pas seul, regarde comme je vis ».
Quand certains envient ces moments de vie que leur imposent ces applications – applications qu’ils ont eux-mêmes installées -, d’autres y réagissent et semblent intéressés par la personne non pas pour ce qu’elle est mais pour ce qu’elle montre d’elle, pour ce qu’elle représente virtuellement. N y aurait-il pas pour ces premiers un certain masochisme à s’imposer inlassablement cette lourde frustration et pour ces derniers l’accord tacite d’un mécanisme de manipulation conscient entre celui qui poste et celui qui y répond. L’un comble les carences de l’autre et réciproquement.
Ces deux attitudes face au réseaux sociaux sont le pile et face d’une même pièce puisqu’une même personne adopte de façon générale ces deux attitudes à des moments différents. Elles sont le symptôme d’une même condition : l’homme face à sa solitude.
D’un réel atrophié
Il y a la personne que l’on et celle plus ou moins factice que l’on accepte de livrer aux autres sur les réseaux sociaux. Qui ne s’est jamais retrouvé en PLS sur son canapé un samedi soir à manger du chocolat jusqu’à n’en plus pouvoir en pleurant les dernières larmes qui lui reste en réserve, tout en postant l’une des dernières photos de soi en soirée sous son meilleur jour ?
Il y a souvent entre la vie vécue et celle exposée aux autres sur les réseaux sociaux un gouffre que l’on est prêt à accepter contre un peu d’attention, d’amour et de reconnaissance.
On est tous plus ou moins conscients de cette volonté collective qui consiste à ne pas poster sa vie mais « la vie que j’ai envie de montrer parce qu’elle me paraît être celle qui est acceptable et potentiellement désirable ou enviable ».
Mais jusqu’où irons-nous pour le gain d’un beau créer de toute pièce par une société qui prescrit ce qui doit l’être ou non ? À du presque non-humain ?
Une société qui décrète qu’il est préférable de s’identifier à du réel tronqué ou de l’irréel qu’à un réel beau de par ses imperfections est-elle une société qui rapproche les êtres qui la composent ou qui promeut la course à l’individualisme ?
« L’enfer est tout entier dans ce mot : solitude » affirmait Victor Hugo au XIX siècle, à contrario Blaise Pascal, deux siècles plus tôt disait « Rentre dans ta chambre et tiens-toi dans la solitude ».
Que des penseurs et romanciers de toutes époques aient réfléchi et écrit sur ce sentiment que l’on choisi d’enlacer ou de tenir loin de soi est la preuve que l’ambivalence qu’il incarne démontre sans nul doute qu’il fait de nous des êtres plus ou moins assujettis à celui-ci.
Même s’il est vrai que notre nouvelle manière de communiquer offre à la solitude une autre façon de s’exprimer et de se répercuter sur nos comportements, elle n’en reste pas moins ce sentiment universel et intemporel avec lequel beaucoup composent sans y trouver une voie salutaire.
Crédits image de présentation : Dave Heath
Manon Martin
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