Hong-Kong fait aujourd’hui face à de nouvelles tensions politiques avec la Chine continentale suite à l’instauration d’une nouvelle loi sur la sécurité nationale et l’arrestation de Jimmy Lai, magnat de presse pro-démocratie.
Depuis juin 2019, la cité aux « deux systèmes » est en proie à des tensions politiques entre la population et l’État, considéré par les Hongkongais comme contrôlé par la Chine continentale. Les dernières élections locales ont permis aux habitants de s’exprimer également dans les urnes, donnant la victoire aux pro-démocrates. Pourtant, en pleine crise sanitaire, la Chine n’hésite pas à imposer son autorité en promulguant, par l’intermédiaire de la cheffe d’État Carrie Lam, une « loi sur la sécurité nationale » qui ravive les tensions.
2019-2020, dernière guerre avant 2047
Pour l’analyste politique Chip Tsao, cette nouvelle loi sur la sécurité nationale est « la bataille finale pour Hong-Kong, la confrontation ultime entre les civilisations occidentales et le dernier empire communiste ».
Cette guerre a commencé en 2019 lorsque la Chine continentale a voulu, par l’intermédiaire de Carrie Lam, la cheffe d’État pro-Pékin à la tête de l’île, instaurer une loi sécuritaire. Elle prévoyait l’extradition de personnalités chinoises ou hongkongaises vers la Chine, sans avis d’un tribunal local, et sur simple demande de la justice chinoise. En juin 2019, un tiers de la population s’est mobilisé contre cette loi, du jamais-vu, mettant en avant des revendications pro-démocratie et libérales. La répression menée par la police anti-émeute a été particulièrement violente, submergeant par la même occasion l’État. Des universités, notamment celle de Polytechnique, se sont retrouvées assiégées. La Chine a fait pression sur Hong-Kong, menaçant de pénétrer sur le territoire, violant ainsi le statut spécial de l’île. Quelques mois après, les élections locales ont amené les pro-démocrates à décrocher la victoire avec facilité : grâce à une participation dépassant les 71%, 388 sièges sur 451 à pourvoir ont été gagnés par les pro-démocrates. Pourtant, cette expression démocratique n’a pas plu au régime de Xi Jinping qui a reporté les élections législatives de 2020 à 2021 : une entrave certaine à la liberté de cette ancienne colonie britannique.
Cette dernière guerre qui mêle inexorablement l’idéal occidental face à la dictature chinoise ne peut que mettre en lumière l’impuissance de l’Occident face à la Chine et son trop grand pouvoir sur le monde. En effet, les pays occidentaux menacent la Chine de sanctions si elle ne respecte pas l’indépendance de Hong-Kong mais ces menaces ne peuvent être mises en pratique, sous peine de représailles économiques du régime communiste. Seuls le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Australie et le Canada osent tenir tête au géant rouge.
Malgré tout, la Chine continue à agir ouvertement dans l’ex-colonie en ouvrant un bureau de défense de la sécurité nationale au Metropark Hotel où un drapeau chinois y a été déployé avec une plaque portant l’emblème de l’empire. Pékin a par la suite promulgué une loi sur la sécurité nationale visant directement Hong-Kong et les protestataires. Elle permettrait, selon la version officielle, de lutter plus efficacement contre le séparatisme et le terrorisme. Les forces de l’ordre peuvent à présent perquisitionner sans mandat, surveiller n’importe qui via internet et punir certaines opinions politiques qui vont à l’encontre du régime communiste. Les Hongkongais, déjà pris en étau par la crise économique et sanitaire, sont de plus en plus nombreux à se résigner et quitter leur pays pour le Canada, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis.
Pékin inaugure son bureau de défense de la sécurité nationale à Hong-Kong le 8 août 2020. © ANTHONY WALLACE / AFP
« Un pays, deux systèmes » devenu « un pays, un système » : les derniers vestiges démocratiques
La fin de « l’humiliation chinoise » et le début d’un certain revanchisme sur l’histoire fait suite à la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine en 1997. Elle cherche à retrouver sa souveraineté perdue en s’implantant directement sur l’île et en défiant l’influence occidentale ancrée.
L’idée « un pays, deux systèmes » qui consacrait l’indépendance de Hong Kong tout comme sa proximité avec la Chine, est en train de disparaitre au profit du régime de Xi Jinping, détruisant les derniers vestiges de la démocratie par l’intermédiaire de cette nouvelle loi et du bureau de la sécurité nationale. Pékin criminalise les protestations et écrase la spécificité de Hong-Kong qui devient un territoire de la Chine continentale à part entière. La police politique est active, les lois sont floues, ce qui permet l’arbitrage et la justice n’est plus indépendante vis-à-vis pouvoir politique. Si bien que la perpétuité a même été requise contre des étudiants de 16 à 21 ans pour avoir manifesté. Ailleurs, l’exécutif a, le 30 juillet, disqualifié douze candidats aux législatives pour leur refus de se soumettre à la loi de sécurité nationale.
Enfin, un des derniers événements datant du lundi 10 août provoque un scandale international face à l’arrestation du magnat pro-démocrate Jimmy Lai, et la perquisition musclée des locaux du journal Apple Daily par la même occasion. D’après la correspondante France 24, Florence de Changy, 200 policiers étaient présents pour envahir « la rédaction du média le plus critique du gouvernement chinois », parlant ainsi d’un choc pour les hongkongais et les journalistes. Rapidement, un appel sur les réseaux sociaux à acheter tous les numéros disponibles en guise de soutien a été lancé, les actions du groupe ont explosé à plus de 340% dès l’après-midi de la perquisition. L’Union Européenne n’a pas hésité à dénoncer l’étranglement de la liberté d’expression par Pékin à Hong-Kong, par la voix du porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrel, mais refuse de sanctionner Pékin. Peu sont les diplomates qui osent lever le ton face à la Chine, car désormais la préservation du commerce avec le géant asiatique est plus importante que celle des idéaux démocratiques.
La démocratie ne peut exister sans son principal pilier : la liberté d’expression, qui enfante la liberté de la presse. La bafouer ne peut que détruire inexorablement la démocratie par sa racine. Cela intervient alors que le classement de Hong-Kong dans les index de la liberté de la presse diminue, et dans un contexte où la plupart des journalistes s’autocensurent depuis longtemps.
Image de présentation : Manifestation pro-démocratie à Hong-Kong contre la nouvelle loi de sécurité nationale, le 1er juillet 2020. © Tyrone Siu / REUTERS
Sarah Lavoine
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