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Quand le jeu vidéo fait mieux que le cinéma

Le jeu vidéo est de nos jours une œuvre artistique et culturelle comme une autre, avec ses codes et ses particularités délivrant à celui qui le découvre des sensations qu’il ne peut retrouver ailleurs. Avec The Last of Us Part II, sorti sur PS4 le 19 juin dernier, l’industrie a trouvé un nouveau représentant du jeu vidéo vecteur d’émotions et de leçons de vie. Retour sur une expérience atypique.

Le jeu vidéo est bien loin de l’époque où il se contentait de proposer des phases de jeux se répétant en boucle sans réel objectif autre que le divertissement immédiat. De nos jours, les jeux ont bien évolué, certains voulant proposer des expériences toutes aussi singulières que bouleversantes, témoignant d’une réelle volonté artistique de ses développeurs. Bien que ces éléments soient intériorisés depuis plusieurs années, jouer à The Last of Us Part II (qu’on abrégera par commodité en TLOU2) pendant près de 30h m’a fait me replonger dans cette réflexion. 

Le jeu se voulant effrayant, il m’est arrivé de jouer dans la pénombre de mon salon, pour profiter d’une immersion maximale. Au lancement du jeu, la sensation n’était donc pas si loin de celle que l’on peut avoir lorsque l’on se rend dans nos salles obscures. Et c’est ça dont on va parler, ce qu’un « simple jeu » peut nous procurer comme émotion et comment il peut nous impacter autant voire plus qu’un long métrage. Car oui, spoiler, The Last of US Part II m’a impacté au point d’avoir envie de vomir. 

Une suite dans une réalité toujours plus déconcertante 

L’histoire prend place dans un monde post-apocalyptique, où un mystérieux virus a ravagé la civilisation humaine en transformant les gens en bêtes dénués de conscience et assoiffées de sang. Des zombies si vous préférez, bien que le jeu préfère le terme d’infectés. C’est cette société survivaliste post-apocalyptique à laquelle nous introduit Naughty Dog – les développeurs du jeu – dans le premier opus de la licence sorti en 2013. On y découvrait Joël, père en deuil qui a connu l’ancien monde, et Ellie, 14 ans, qui ne peut que le fantasmer, car née après la crise. Les personnages évoluent donc dans ce monde, chaotique et entre-déchiré par des groupes de survivants se partageant les cendres de la société. Ce qui a fait le succès du premier opus, c’est sa narration, les émotions et le sentiment d’attachement que les personnages nous ont transmis. Jamais des modèles 3D n’ont été aussi humains que dans The Last of Us

Ce sont donc sept années que les fans du premier opus ont dû patienter pour avoir une suite. Comme le dit Neil Druckmann, directeur du jeu, si le premier opus parlait d’amour et de la création d’une relation père-fille, le second perd toute son innocence et sa candeur pour parler de haine, et du cycle de la vengeance. Car oui, le monde de The Last of Us est un monde violent, cruel. Là où nous pouvons voir dans d’autres œuvres des morts héroïques et larmoyantes, des personnages mourant en martyrs, la mort dans TLOU2 est rapide, brutale, injuste, frappant sans prévenir aussi bien les autres personnages que le joueur. Même dans la mort des personnages, le jeu exprime encore tout son réalisme et sa cruauté en les faisant mourir comme des humains lambda et non comme les personnages centraux qu’ils sont. Le monde parcouru par Ellie, personnage au centre de ce deuxième opus, bien que ravagé, est paradoxalement très vivant. On peut notamment trouver dans notre exploration des notes nous racontant la vie des survivants, décrivant par exemple comment un homme a essayé de traverser la ville de Seattle afin de trouver des médicaments pour sa mère malade. 

L’art de jouer avec les émotions du joueur

Ce qui est le plus frappant dans l’univers de TLOU2, c’est le désir d’humaniser ses personnages. Les ennemis, même les plus banals, sont nommés. Lorsque qu’Ellie tue un ennemi, ce n’est pas « figurant n°1 » ou « ennemi n°3 », c’est un humain qui meurt et donc des proches qui s’en retrouvent directement impactés. 

Si tout le monde est aussi humanisé, c’est dans une volonté de briser un certain manichéisme où les protagonistes sont de gentils héros vertueux qui viennent se faire molester par des méchants sanguinaires et cruels. Dans The Last of Us, on est très loin de ça. Les héros ont leurs torts, et ils doivent en affronter les conséquences. Les « ennemis » quant à eux, ne sont que des humains comme les autres cherchant à vivre paisiblement, jusqu’à ce que l’on vienne leur causer du tort à leur tour, les faisant rentrer inexorablement dans le cycle de la vengeance. C’est par une narration déstructurée que le jeu nous en fait arriver à cette conclusion. C’est par exemple avec la mécanique du flash back que l’on en vient à adorer le personnage que le jeu voulait nous faire détester au début de l’histoire. 

Impliquer pour mieux émouvoir

La principale différence entre un jeu et un film, c’est que dans un jeu, même si le scénario est scripté, c’est bien le joueur qui a le contrôle et qui interagit indirectement avec son environnement, qui commet les actions. C’est pourquoi j’ai trouvé la fin du jeu insoutenable, le jeu me demandant de faire quelque chose auquel j’étais moralement opposé, le tout accompagné d’une violence graphique très explicite, créant un malaise et un dégoût encore plus marqué. Si l’on peut détourner le regard lors d’un film, il n’y a pas d’échappatoire pour le joueur, qui doit assumer ses actes s’il ne veut pas perdre et connaître la suite de l’histoire.

C’est cette projection, cette interactivité qui pour moi accentue les émotions que peuvent nous transmettre une œuvre. Ajoutez à cela un scénario maîtrisé de bout en bout une bande originale magistrale de Gustavo Santaolalla ainsi que des comédiens de doublage qui visent toujours juste (aussi bien en anglais qu’en français), vous obtenez le meilleur jeu vidéo du genre de ces dernières années. 

Bruno ESTEBAN GARAY

Bruno Esteban Garay

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