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Le viol comme arme de guerre

En 2017 et pour la première fois, des femmes syriennes sortent du silence et racontent les agressions sexuelles dont elles ont été victimes. 

« J’étais assise au bord du lit, en pleine angoisse sur ce qui allait m’arriver. » 

En République Démocratique du Congo, Fatouma, réfugiée en Ouganda depuis 2013, parle, devant les caméras de Brut, des harcèlements sexuels commis par les rebelles Sheka au début des années 2010. Elle raconte avoir été violée en présence de son fils. Quelques jours après son agression, elle souffre d’incontinence régulière, elle est transportée à l’hôpital en urgence. 

« Ils étaient douze hommes sur moi. Cet évènement, il a détruit ma vie. » 

Le viol, la face cachée des conflits internationaux 

Comme la kalachnikov ou la bombe, le viol est une arme fréquemment utilisée dans les pays ravagés par la guerre comme la Syrie ou la République Démocratique du Congo. Méconnu et invisible aux yeux de la société, le viol constitue, pourtant, une des stratégies militaires les plus dévastatrices de notre temps. En effet, dans une guerre, le viol n’est pas choisi par hasard, il est défini comme un véritable système pensé par le régime au pouvoir afin d’affaiblir et humilier le camp des opposants politiques. 

En République Démocratique du Congo, depuis plus de 20 ans, les guerres successives ont causé la mort de six millions de victimes. Parmi elles, on compte les femmes violées par les miliciens et l’armée du Congo. Utilisées pour les intérêts stratégiques du pays, les femmes vivent une vie difficile car elles endurent au quotidien la peur et l’humiliation. 

En Syrie, les compagnes, les sœurs, les mères des rebelles sont arrêtées. En prison, ces femmes subissent les humiliations les plus atroces, elles sont régulièrement fouettées, torturées, insultées… A leur sortie, ces femmes sont rejetées par leurs familles car elles sont reconnues coupables d’être victimes. Dans d’autres cas, les combattants de Bachar Al-Assad débarquent chez les femmes des révolutionnaires, partis sur le front, pour les violer. Les hommes filment les scènes et envoient les images à leurs maris afin qu’ils se rendent. Il s’agit là d’une mise en scène minutieusement orchestrée par le régime car Bachar Al-Assad sait qu’en ordonnant le viol des femmes des opposants, il parvient à diviser le clan révolutionnaire et briser l’homme syrien. 

Auteures, journalistes, juristes, toutes dénoncent cette pratique militaire barbare. En 2017, Manon Loizeau, journaliste grand reporter, réalise le documentaire « Syrie : le cri étouffé. » dans lequel des femmes syriennes racontent les violences qu’elles ont subies en détention. 

Elle explique qu’en Syrie, le viol est un sujet tabou dans la société. En effet, l’emploi de la violence sexuelle est passé sous silence par les autorités publiques et les familles, on croirait même que le viol n’existe pas. Et parce qu’il est tabou, le régime syrien va se servir du viol comme d’une arme pointée vers les rebelles, c’est-à-dire que le viol va être employé à des fins strictement politiques et militaires. Ainsi, les combattants savent très bien qu’en violant ils détruisent et humilient la famille ainsi que le clan adverse. Dans ce cas, le viol ne correspond plus seulement à une agression sexuelle mais à une arme infaillible capable de faire échouer l’élan de la révolution en Syrie. Elle confie que « le viol est une des armes les plus destructrices qui soit. » Destructrice car même si les femmes y survivent la plupart du temps, le viol laisse des séquelles psychologiques tellement douloureuses que la vie et le destin de ces femmes se retrouvent à jamais détruits. 

Les femmes ne sont pas les seules victimes 

Cependant, il est important à souligner que le viol touche non seulement les femmes mais également les hommes et les jeunes garçons. Comme l’explique, Céline Bardet, juriste internationale, derrière le viol, il y a toujours un objectif politique. En Libye, l’emploi du viol vise les hommes car selon elle, il est utilisé par le pouvoir comme « un outil de revanche entre les tributs. » 

Dans les sociétés musulmanes, comme l’homme occupe un certain statut social et politique, le violer a pour effet de détruire et fragiliser son rang. En temps de guerre, si quelqu’un veut détruire son adversaire masculin, il va le violer car il sait que l’homme violé sera contraint de s’absenter de la vie politique et publique. Et dans le cas des viols à l’encontre des jeunes garçons, il y a un sentiment d’humiliation encore plus fort car on est dans la notion de l’homosexualité, thème évidemment tabou dans les sociétés arabo-musulmanes. 


Les solutions pour alerter la communauté internationale 

Comment pouvons-nous lutter contre les agressions sexuelles et ses criminels de guerre ?

Céline Bardet déclare dans une interview pour l’Express que le viol est utilisé dans tous les conflits mondiaux, preuve qu’il n’est pas assez condamné par les autorités publiques nationales et internationales. Pour éviter ce laxisme il faudrait, selon elle, intervenir juridiquement sur le terrain et punir les auteurs de crime plus régulièrement. 

En 2014, Céline Bardet crée l’association « We are not Weapons of War » dont l’objectif est « d’assister les victimes dans leurs démarches médicales et judiciaires, d’en finir avec l’impunité des bourreaux et de sensibiliser les acteurs politiques et sociaux sur la pratique du viol dans les pays en guerre. »

Dans son association, des mesures concrètes sont énoncées pour venir en aide aux victimes. 

L’une d’entre elles est particulièrement innovante car elle s’appuie sur les nouvelles technologies. En effet, « We are not Weapons of War » a mis en place une application intitulée « Back-up » qui doit aider les victimes à se signaler. Il suffit à la victime de se servir d’un téléphone, d’inscrire son nom et prénom et de renseigner sa géolocalisation. Ces informations sont immédiatement stockées par l’association dans une banque de données sécurisée dans le but de protéger la victime. Ensuite elle se charge de contacter au niveau local des agents psycho-sociaux et des médecins afin qu’ils interviennent directement auprès de la victime.  

De plus, en stockant des preuves et des témoignages, l’association « We are not Weapons of War » espère dénoncer massivement les acteurs et voir la pratique du viol de guerre plus souvent condamnée par les instances internationales. 

Pour finir, Céline Bardet tient à interpeller la communauté internationale sur la nécessité d’agir juridiquement contre l’aspect systématisme du viol de guerre et d’appliquer les condamnations des bourreaux le plus rapidement possible en rappelant que « le viol est un élément constitutif de crime de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. Il y a eu des condamnations au Rwanda, je ne vois pas pourquoi il n’y en aurait pas en Syrie ou en République Démocratique du Congo. » 

Charles Flageul

Source de l’image de présentation : https://www.humanite.fr/sites/default/files/images/viol.jpg

La rédaction

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