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La grève aussi Outre-Manche

Ces derniers mois, un large mouvement de grève a lieu en France. RATP, SNCF, Air France, enseignant.e.s, soignant.e.s, pompiers, étudiant.e.s, Gilets Jaunes… cette grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites rassemble de nombreux mouvements de contestation. 

Les mouvements de grève, typiquement français, sont aussi populaires de l’autre côté de la Manche. Enquête à l’Université Heriot-Watt d’Edimbourg, où les enseignant.e.s se sont déclaré.e.s en grève en février dernier.

Un salaire toujours plus faible

La raison principale d’une grève est souvent liée au revenu de la profession. La grève de l’Université Heriot-Watt ne fait pas exception. Une enseignante, qui souhaite rester anonyme, a accepté de témoigner: 

“Ces 10 ou 15 dernières années, notre salaire a baissé de 20%. Car il ne s’est pas adapté à l’inflation, regrette cette enseignante, tandis que les recteurs n’ont pas hésité à s’octroyer des augmentations.” 

La baisse des salaires des fonctionnaires de l’éducation semble être aussi systématique qu’en France. “C’est un problème récurrent, en 20 ans d’enseignement ici c’est la 4ème fois que je fais grève. Notre dernière augmentation était de 1,8% et date de l’année dernière, grâce à la grève que nous avons menée. C’est mieux que rien, mais ça ne suffit pas.” La grève semble dès lors devenir le moyen principal pour obtenir gain de cause. Au moins face à une idéologie libérale qui, sous couvert de rigueur, réduit financements et salaires d’une profession pourtant indispensable à la formation des futures générations.

Un travail précaire pour les enseignant.e.s et précarisant pour les étudiant.e.s

Cette enseignante insiste sur le caractère collectif de la grève. “Je ne fais pas grève seulement pour moi. Je peux enfin vivre de mon salaire. Mais plus de 50% du personnel de l’université a un contrat précaire, et ne peut même pas se permettre de faire grève.”  Comme en France, la précarité gagne du terrain dans le milieu de l’enseignement. Elle fragilise bon nombre d’enseignant.e.s qui n’osent dès lors plus faire grève. Il s’agit alors avant tout, selon cette enseignante, d’un acte solidaire et collectif pour protéger les plus faibles.

Et les étudiant.e.s ne sont pas exclu.e.s des revendications. “On fait grève pour les étudiants. Ici en Ecosse, les frais de scolarités ne sont pas élevés. Mais en Angleterre, les étudiants finissent leurs études en étant endettés, et c’est inacceptable”. En effet, les études en Angleterre se révèlent extrêmement coûteuses pour les étudiant.e.s. En fonction du cursus, ils déboursent en moyenne entre 8 000 et 38 000€ par an. Bien qu’en France la tendance soit à l’augmentation des frais d’inscription dans le supérieur, (comme avec la loi ironiquement baptisée Bienvenue en France qui multiplie par 16 les frais d’inscriptions à l’Université pour les étudiant.e.s non originaires d’Europe) le coût d’études universitaires reste très accessible, une véritable chance pour tenter de lutter contre le déterminisme social. 

Une grève contre les discriminations

“Un autre problème est la différence de salaire selon le genre, ajoute-t-elle. Dans toutes les universités du Royaume-Uni, le salaire des femmes est significativement inférieur à celui des hommes. Et elles occupent les postes les plus bas dans la hiérarchie.” Une situation qui n’est pas non plus étrangère à la France, comme le soulignait déjà Françoise Fabre, professeure des écoles et membre de la commission exécutive du Syndicat Général de l’Éducation Nationale (SGEN). “Il y a plus d’hommes dans la hiérarchie, ils vont solliciter sans doute davantage les hommes. On encourage les hommes enseignants à progresser et à prendre de nouvelles responsabilités et moins les femmes. De plus, il existe toujours ces clichés sur les femmes naturellement plus à même d’exercer des fonctions auprès des enfants.”

Au-delà des différences entre hommes et femmes, cette professeure ajoute que la grève à laquelle elle participe lutte également contre les discriminations ethniques dont le milieu enseignant est également victime.

“Ici, ceux qui gagnent un bon salaire sont les hommes blancs de classe moyenne. Les professeurs métisses ou noirs gagnent déjà beaucoup moins. Une enquête du Russel Group Universities a montré que le salaire des femmes noires universitaires est 39% plus faible que les hommes blancs aux mêmes postes. Et si en plus on y ajoute la discrimination qu’elles subissent… c’est une honte. 

Le syndicat qui a porté cette grève, l’University and College Union (UCU), prévoit des mouvements de grève récurrents, jusqu’à ce que les revendications des enseignant.e.s et membres du personnel universitaire soient prises en compte. La grève, en France comme à l’étranger, est donc un acte collectif et solidaire visant à harmoniser les conditions de travail de tout le monde vers le haut. Si les conséquences de tels mouvements ne sont souvent pas visibles immédiatement, la grève reste un catalyseur de changement sur le long-terme, et on a tort de lui en vouloir autant. 

Agathe Kervella

crédit photo : scholarship-positions.com

La rédaction

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