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Patrick Zaki, ou l’étudiant prisonnier politique en Egypte

Un jeune étudiant, un régime intolérant et une justice corrompue. Ce n’est pas le titre d’un film, c’est l’histoire de Patrick, coupable d’être libre dans un pays où il n’a pas le droit de l’être.

Patrick George Zaki est un étudiant égyptien de 27 ans. Depuis le 7 février dernier, il est en prison en Egypte. Ses accusations ? « Diffusion de fausses informations » ; « instigation à la violence et promotion de manifestations non autorisées » ; « activités visant à déstabiliser la sécurité nationale et l’ordre social ».

Patrick Zaki, étudiant, chercheur et activiste pour les droits humains

Patrick Zaki, chercheur en Études de Genre à l’Université de Bologne (Italie) après des études de Droits Humains en Égypte et Espagne est un activiste pour les droits civils et politiques des femmes et minorités de genre. Il est membre du « Egyptian Initiative for personal rights » (Eipr), une ONG aux côtés de laquelle il a soutenu en 2014 le principal opposant à l’actuel président égyptien, Abdel Fattah al-Sisi. Six membres de la même ONG ont été détenus et interrogés par les autorités nationales après l’élection de al-Sisi en 2014.

Patrick Zaki à Rome en 2019

Une détention violente

De retour en Egypte pour rendre visite à sa famille, Patrick Zaki est arrêté le 7 février au Caire. Il disparaît 24 heures pendant lesquelles, selon ses dires, il a été brutalisé, torturé par électrochocs et interrogé durant 6 heures sans aucune défense légale, avant d’être transporté à El Mansoura, sa ville d’origine. Parmi les accusations dont il fait l’objet, la « tentative de déstabilisation du régime », crime passible en Égypte de la prison à vie. 

Le gouvernement italien s’est très vite mobilisé. Le président du Parlement de Strasbourg, Davide Sassoli, a demandé la libération immédiate de l’étudiant égyptien. Toutefois, une sentence de détention provisoire ayant été prononcée le 22 février, cette requête de libération a été refusée. Patrick Zaki restera en prison a minima jusqu’à son procès, le 7 mars.

Après la sentence, Patrick Zaki a déclaré : « Je suis innocent. Je connais la loi et si j’avais eu connaissance d’une quelconque infraction à la loi, je ne serais pas rentré. Je ne comprends pas pourquoi j’ai été arrêté. ». Face aux journalistes, il prétend qu’il va bien. Mais ses cheveux ont été coupés, et une infection s’est développée sur un de ses yeux. Selon ses dires, il partage une cellule à toilettes uniques avec 35 détenus. Malgré ces terribles conditions, il ne perd pas espoir de retrouver sa liberté. 

Patrick Zaki, lieu et date inconnus

Comme un air de déjà-vu…

L’Italie a choisi de se tourner vers d’autres États européens pour servir de médiateurs, car ses relations diplomatiques avec l’Égypte se sont dégradées depuis que des faits similaires ont eu lieu en 2016.
Cette année-là, Giulio Regeni, étudiant et chercheur italien, fut arrêté, torturé et tué en Egypte, alors qu’il menait une recherche sur les syndicats égyptiens. Son corps a été retrouvé près d’une prison des services secrets, mais les autorités égyptiennes ont toujours nié leur implication dans ce meurtre, bien que les preuves et témoignages sont accablants. À ce jour, la lumière n’a toujours pas été faite sur ce crime. Patrick Zaki et l’Eipr, eux, avaient fait de la mort de Regeni un combat pour la recherche de la vérité. 

Fresque murale, Rome.
On y devine Giulio Regeni serrant Patrick Zaki, avec cette phrase :
« Cette fois-ci, tout ira bien »

Depuis la disparition de Giulio Regeni, le dialogue est complexe entre l’Égypte et l’Italie. À la demande par l’Italie de la libération de Patrick Zaki, le président de la chambre des députés d’Égypte a répondu en parlant d’une « ingérence inacceptable dans les affaires intérieures égyptiennes », ajoutant que M. Zaki « jouit de l’intégralité de ses droits, à l’instar des autres prisonniers et sans discrimination ».

#FreePatrickZaki

À Bologne, ces évènements ont produit une vive émotion, notamment parmi la communauté étudiante et enseignante. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #FreePatrickZaki est porteur d’un message de solidarité avec cet étudiant victime de répression.

L’ONG de défense des droits humains Amnesty International a dénoncé cette « violation de la liberté d’opinion, une détention arbitraire et violente », un véritable « alibi pour légitimer une procédure absolument illégale », alors que Patrick Zaki menait à bien une « activité légitime d’information, et dénonciation d’utilité publique ». 


Car il s’agit d’une détention politique et répressive, contre un étudiant activiste opposant au régime. Dans l’Égypte d’Al-Sissi, ce sont des dizaines de personnes qui sont arrêtées ou torturées chaque jour à cause de leurs opinions.

Face à de telles violations des droits humains, nous ne pouvons pas rester impassibles. Ne laissons pas Patrick Zaki, comme tant d’autres, subir une privation de sa liberté d’opinion. Ne laissons pas que les meurtres politiques comme celui de Giulio Regeni se normalisent. C’est en tout cas le message que des milliers de jeunes, étudiants, professeurs et citoyens ont voulu faire passer, dans une grande marche pour la libération de Patrick Zaki à Bologne. Une marche qui s’est conclue par les paroles et les notes d’«Imagine» de John Lennon : un message de paix et de liberté dans lequel il faut croire pour bâtir un monde meilleur. Trop illusoire, peut-être ? Eh bien, «You may say I’m a dreamer, but I’m not the only one».  

Manifestation au centre de Bologne pour la libération de Patrick Zaki, 17 février 2020

Martina Paolucci

La rédaction

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