Malgré les taux directeurs au plus bas, malgré un n-ième programme de Quantitative Easing (Ré-injection de liquidités dans l’économie via le rachat de titres d’Etat par la BCE aux banques commerciales) lancé par Mario Draghi en fin d’année 2019 avant de laisser les rennes de la BCE à Christine Lagarde : la menace de déflation plane toujours au-dessus de la zone euro. Nombreuses sont les théories et les idées avancées ces dernières années visant à éloigner ou à faire disparaitre l’épée de Damoclès qui surplombe le vieux continent. Une en particulier revient de plus en plus dans le débat économique et politique : la monnaie hélicoptère.
La monnaie Hélicoptère, alternative au Quantitative Easing ?
Vieille d’une cinquantaine d’année, l’idée de la monnaie hélicoptère consiste à injecter depuis la banque centrale, de la liquidité, directement sur le compte des particuliers et des entreprises sans aucune contrepartie. L’image d’un hélicoptère larguant des milliers de billets de banque au-dessus les rues ravi les plus libéraux, disciples de son initiateur Melton Friedman qui en 1969 avait, le premier, défini et imaginé que le salut d’une économie déflationniste pouvait tomber du ciel. Toutefois, l’idée fait aussi son chemin chez les défenseurs de la justice sociale qui peuvent y voir un premier pas vers un revenu universel.
Le Quantitative Easing mis en place dans la zone euro depuis 2015, subi de plus en plus de critiques. Certes, lorsque Mario Draghi l’a lancé, il a très certainement empêché la zone euro de sombrer dans la déflation, mais ce qui est vu par certains comme un acte de « planche à billets » n’est pas un phénomène conventionnel. L’injection, dans l’économie de liquidités indispensables au fonctionnement de celle-ci via le rachat de titres aux banques, est une mesure exceptionnelle qui témoigne également de l’impuissance de la BCE à réguler la conjoncture. S’il a pu sauver, il y a 5 ans sur du court terme, les conséquences du Quantitative Easing n’en seraient pas moins néfastes à long
terme. Alimentation de bulles spéculatives sur les marchés obligataires (par une vague liquidité trop abondante qui ne parvient pas à rejoindre l’économie réelle), taux négatifs et une croissance qui ne repart pas, sont autant de critiques faites à la politique actuelle de la BCE et autant de raisons de penser que la monnaie hélicoptère peut devenir la nouvelle mesure non-conventionnelle de la BCE. En 2016, Mario Draghi avait déjà jugé l’idée « très interessante » mais avait reconnu que la BCE ne s’était encore pas penchée dessus.
Puisque les taux d’intérêts négatifs témoignent d’un manque d’efficacité des politiques monétaires conventionnelles et d’un « encombrement » des canaux de liquidités qui ne parviennent pas à rejoindre l’économie réelle, puisque le Quantitative Easing sauve mais ne soigne pas et puisque les Etats semblent bien plus occupés à réduire les lourdes dettes contractées depuis de nombreuses années qu’à opérer des relances budgétaires, il faut que quelque chose relance la croissance et par là-même l’inflation. La cible de 2% de croissance annuelle de l’IPCH (indice des prix à la consommation harmonisé) fixée par Bruxelles comme premier objectif de la BCE, pourrait être accompli avec l’aide de la monnaie hélicoptère. Des injections de liquidité par la Banque Centrale, directement dans la poche des citoyens de la zone euro, plutôt que sur les marchés financiers via les banques, peut paraître comme une méthode « par la force ».
Toutefois elle possède au moins le mérite d’offrir de la liquidité aux agents non financiers autrement que par des crédits bancaires dont ils ne veulent pas toujours. De plus, le maintien de taux négatifs dans la zone euro témoigne d’une marge de manœuvre toujours plus faible pour la BCE. L’institution va alors être obligée d’innover pour atteindre son objectif de 2% d’inflation annuel, et de remontée progressive des taux en positif sans provoquer de krach obligataire. A l’image de BlackRock, le célèbre fond d’investissement, nombreux sont ceux qui prônent, pour ces raisons, la mise en place de la monnaie hélicoptère.
Risques et critiques
Comme toute idée nouvelle, la monnaie hélicoptère, doit encore résoudre certains problèmes et faire face à quelques critiques. La première se loge dans la mise en place, qui s’avérerait très compliquée. L’image de l’hélicoptère qui largue des billets est belle mais théorique. S’il s’agissait d’un crédit des comptes bancaires des agents non-financier, quid de ceux qui ont plusieurs comptes ? Mais également, quid de l’argent une fois entre les mains des citoyens de la zone euro, quels seraient les effets de telles mesures si ces- derniers utilisaient les liquidités fraiches pour acquérir des biens importés hors zone euro ?
Puis, il faut prendre en compte l’un des principaux obstacle à l’efficacité d’une monnaie hélicoptère : la thésaurisation. Qu’adviendrait-il si les agents non financiers, une fois crédités de nouvelles liquidités décidaient d’épargner ces-dernières plutôt que de les consommer. Selon ses principaux contradicteurs, la monnaie hélicoptère pourrait même accentuer les inégalités à l’intérieur de la zone euro si toutes les nouvelles liquidités se concentraient après quelques transactions sur les pays les plus compétitifs. Autant de problèmes à résoudre qui prouvent que le retour à la normale peut prendre du temps et que le nouveau poste de gouverneure générale de la Banque Centrale Européenne occupé depuis quelque mois par la française Christine Lagarde s’avère être une mission complexe.
Source : https://mouvement-europeen.eu/wp-content/uploads/2018/03/Euro.jpg
Louis Brochard
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