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Le mythe Macron

On’ vous propose l’article politique et engagé d’Aymeric. Retour sur l’avènement d’un homme, Emmanuel Macron, et la construction d’un mythe.

En 2014, le gouvernement français change de cap : Jean Marc Ayrault cède sa place à Manuel Valls ; Cécile Duflot et Benoît Hamon quittent le gouvernement ; Emmanuel Macron débarque au ministère de l’Économie et de l’Industrie. Agé de 36 ans, ce dernier incarne tout ce que la société produit de plus performant, joignant à son CV Sciences Po et l’ENA. Emmanuel Macron est synonyme de jeunesse, d’érudition et de dynamisme, en un mot, de réussite. Brillant par son pragmatisme, il prit le pari risqué -mais gagnant- de se déclarer « ni de droite ni de gauche », fonctionnant dès lors par rationalisme et non plus par idéologie. Lors de sa campagne présidentielle, il tenta de démontrer que le progressisme, le conservatisme et le populisme ne pouvaient emmener que dans l’illusion de la réussite, mettant ainsi en exergue un pragmatisme qui serait la solution au système politique français. 

Emmanuel Macron : l’écriture de son propre mythe

Contre sa vie, son histoire, et l’Histoire même de la politique, Emmanuel Macron s’est forgé un mythe, son propre mythe. En s’insérant par une force disruptive dans un ordre politique bipolarisé depuis l’après guerre, il voudrait se faire le rempart de la terreur populiste qui guette l’Europe et le monde occidentale. C’est lui ou les extrêmes (RN, LFI), évinçant dès lors les tenants du pouvoir traditionnelles (PS, LR).

Pourtant, Emmanuel Macron représente bien un parti, « sans visage et sans nom » pour reprendre les mots d’un ex président corrézien, celui du « monde de la finance ». Il représente les « vainqueurs de la mondialisation », les vainqueurs d’une reproduction sociale inconsciente. Inconsciente de sa chance. Selon son récit, il tirerait son savoir d’un « mérite » et non d’un « héritage ». Dans le lignage de son idéologie, la « pénibilité » n’existe plus (suppression du compte pénibilité), les emplois n’ont pas à être aidés (suppression des emplois aidés), les riches ne doivent pas être taxés (suppression de l’ISF). Et pourtant « Moi, je suis socialiste » assénait Macron il y’a quelque temps : cela parait des siècles. Qu’y a-t-il de socialiste à-dedans ? Où se cache l’héritage de Jaurès ? Quel politologue sérieux aurait l’audace de classer ces mesures à gauche ? 

Il voudrait aussi Make our planet great again : nous attendons encore. Emmanuel Macron écrit au fil de sa présidence son mythe, qu’il joue sur la scène politique par son art oratoire. Il se veut président du en même-temps : en même-temps ouvert et ferme sur l’immigration ; en même-temps du côté des exploitants et des exploités. En même-temps de droite et de gauche.

A vouloir être « d’accord avec tout le monde » comme le lui rappelle François Asselineau lors du débat télévisé de la présidentielle, il ne satisfait personne. A jouer à la girouette, on se brise le cou. Emmanuel Macron a voulu créer son mythe par la parole, et non par les actes, comme une millénaire nécessité du conte. Mais si les français entendent, ils ont avant tout besoin de voir. Et s’ils peuvent être crédules, il ne sont pas dupes. 

Des hommes et un dieu : un président jupitérien 

Il a l’audace – et la fougue – de le dire, Emmanuel Macron est un président jupitérien. Après l’hyperprésidence Sarkoziste et la présidence « normale » de François Hollande, c’est une figure mythologique à laquelle le président de la République s’adjoint. Jupiter, c’est le dieu des dieux, celui qui règne sur le la terre, le ciel, la mer et les autres dieux. Il se réclame de Hegel et de Machiavel : il fallait s’y attendre. Dans son entretien livré à Challenges, le nom de Jupiter n’est pas choisi au hasard.

D’ailleurs, l’action publique de Macron est marquée de symboles : il se veut, comme le Dieu romain, consensuel et protecteur. Le renouveau qu’il prône n’est finalement qu’un simulacre : le départ de Nicolas Hulot et les marches pour le climat consacrent sa déconsidération pour l’écologie politique, les manifestations des gilets jaunes confirment qu’il ne parvient pas à calmer le feu d’un peuple qui se sent délaissé. 

Le mythe Macron ne s’est cependant pas écrit tout seul : il est issu d’une longue et foisonnante écriture collective, portée par un entourage qui participe à sa mystification. Un entourage qu’Emmanuel Macron n’a pas choisi au hasard : peu de figures fortes au gouvernement (Elizabeth Borne, Muriel Pénicaud, Agnes Buzyn) ni même aux postes clés se son parti En Marche ! (Stanislas Guérini). Si son entourage dénote d’un certain déficit chronique de leadership, c’est pour mieux asseoir une autorité présidentielle qu’il veut totale.

En effet, Emmanuel Macron sait mieux que personne – lui qui a été ministre sous Hollande – que le sort politique n’est jamais tiré d’avance, et que tout – et parfois n’importe quoi (comme l’élection d’un humoriste en Ukraine) – peut arriver. Et lui mieux que personne ne connaît le danger de faire entrer des personnalités fortes dans un gouvernement, car les rivalités internes sont souvent plus puissantes que celles inter-partis. Hollande a chassé DSK, Macron a chassé Hollande. Qui chassera Macron ? Le gouvernement assure ses arrières. Et réduit le prix du permis de chasse… 

Atlas ou le porteur de la voûte terrestre

Récemment, Brigitte Macron a ajouté une pierre a la mythologie macronienne : Atlas. L’homme qui porte la terre sur ses épaules. Ce symbole n’est pas anodin : il est révélateur du rôle présidentiel qu’on lie facilement à un Dieu. Son pouvoir est sacré. Sans doute un résidu de la monarchie française… En somme, l’illusion tombe bien vite : Macron n’est ni Jupiter, ni Atlas, et le 55 rue du faubourg Saint Honoré n’est pas un lieu mythologique : il est réel, palpable. Comme les problèmes inhérents à sa fonction… 

Aymeric de Tarlé

Aymeric De Tarle

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