Algérie, Russie, Indonésie… 3 pays différents, 3 continents différents, et pourtant très proches. Dans ces pays, les étudiants doivent composer avec un accès à Internet parfois perturbé s’ils veulent exprimer leur colère.
Nous sommes le jeudi 8 août 2019 au soir en Algérie. La fin de la semaine approche, les plus jeunes sont en vacances et leurs aînés commencent à sentir la fatigue annonçant l’arrivée du week-end. Pour des millions d’Algériens, une soirée banale est perturbée par la mise en ligne d’une vidéo sur YouTube.
Dans cette vidéo, l’ex ministre de la défense algérien visé par un mandat d’arrêt international Khaled Nezzar appelle à une rébellion. De nombreux Algériens s’opposent à ce discours, mais le mal est fait et seulement 30 minutes après la publication de la vidéo, l’accès à YouTube ainsi qu’à d’autres services de Google est bloqué par Algeria Telecom et d’autres fournisseurs d’Internet.
Ce blocage, qui constitue en soi une restriction des libertés pour des millions d’internautes, n’est pas la première coupure d’Internet survenues dans le pays au moment opportun. Le 22 février 2019, alors que le Hirak débute, plusieurs personnes remarquent des pertes de connexion à Internet. Le Hirak est une série de manifestations où sont présents de nombreux étudiants réclamant le départ de Bouteflika et de son entourage du gouvernement algérien.
« Même Google ne fonctionnait pas »
@Ares.dz sur Instagram est l’un de ces manifestants. Il est allé dans la rue « contre le gouvernement en place et ça a toujours été le cas », a vécu ces perturbations de réseau en plein Alger où « la plus grosse manifestation » se tenait. Il explique avoir rencontré des difficultés à capter Internet « chaque vendredi » de manifestation.
« La 4G ne fonctionnait pas, je n’arrivais pas à publier des stories sur Instagram ».
@Ares.dz
Pas la moindre trace d’internet mobile, ni 4G, ni 3G (ou autre), « même Google ne fonctionnait pas ». Ces problèmes avaient lieu « pendant toute la manifestation ». En outre, il pointe également la saturation des antennes téléphoniques due à la foule : « je n’arrivais pas à passer des appels, parfois j’y arrivais difficilement après plusieurs tentatives ».
Ces perturbations d’Internet ont été mise en évidence en outre par l’observatoire d’Internet de la société Netblocks qui rapporte également le témoignage de plusieurs personnes ayant subi des problème de connexions à Internet les jours précédant les 22 et 24 février. (voir https://netblocks.org/reports/algeria-internet-disruptions-amid-mass-demonstrations-WJBZjMB6 )
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Le mois d’août fut également marqué par les manifestations en Russie pour réclamer la présence de candidats indépendants à Moscou.
Outre la répression policière brutale face à des manifestants composés en grande partie d’étudiants, des preuves que l’accès à Internet à été perturbé en plein cœur de Moscou ont été fournies par Netblocks. Plusieurs personnes ont perdu l’accès au réseau téléphonique ainsi qu’à l’Internet mobile et entre 12 et 14h30 heure locale, l’accès au wifi et aux lignes fixes à été perturbé.
Le 21 août 2019, c’est l’Indonésie qui coupe Internet face à des manifestions contre la discrimination subie par la communauté papoue. Après l’arrestation de 43 de leurs étudiants et en réponse aux multiples insultes racistes à leur encontre, des manifestations tournant à l’émeute se tiennent dans la région de Papouasie. Les ralentissements de la connexion en début de semaine se transforment alors en coupure complète de l’Internet mobile par le gouvernement, « craignant que la propagation de contenus racistes en ligne n’alimente les troubles » .
Julie Owono, directrice exécutive de Internet Sans Frontières, explique sur France 24 l’inutilité de cette censure : « Restreindre l’accès aux réseaux sociaux ou à Internet n’a jamais permis d’arrêter la désinformation ou le discours de haine ». De plus, ce réseau d’ONG luttant entre autres contre la censure d’Internet « condamne la coupure Internet intervenue à Moscou le 3 août 2019 ».
Ces coupures vont à l’encontre de la résolution de 2016 des Nations unies affirmant que les droits de chacun doivent être respectés, hors ligne comme en ligne. Des droits qui semblent être de plus en plus menacés alors que la Russie a autorisé le projet Runet dont l’objectif est de couper l’Internet russe du reste du monde. Officiellement souhaitépour des raisons stratégiques, ce projet alimente les craintes de dérives vers un modèle de surveillance des réseaux semblables à celui de la Chine.
Adrien RAKOTOARIVELO
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