Avis aux rats de bibliothèque, aux rêveurs émérites et à tous les fatigués du bruit qui hésitent sur le choix d’une application zen/yoga/méditation : aujourd’hui, on vous parle de silence. Ou plutôt du Silence, le vrai, celui qui dit quelque chose pour apaiser comme pour angoisser.
Entre films, bons vieux livres et bandes dessinées, il ne manquerait plus que l’ASMR pour confirmer la diversité des productions… Mais chut ! Ça va commencer…
La barrière du silence : L’histoire d’Helen Keller par Lorena A. Hickok

Commençons par du réel : voici l’histoire véridique de la relation entre Helen Keller, jeune sourde-muette et aveugle, et Ann Sullivan, assistante engagée pour tenter de communiquer avec elle. Avec une telle situation, vous vous doutez bien que ce ne sera pas un long fleuve tranquille.
Le récit est relativement court et se passe de fioritures superficielles. C’est une histoire très concrète du silence comme barrière (apparemment) infranchissable, mais c’est sans compter sur la persévérance d’une assistante plus que déterminée à la franchir.
Adaptée à tous les âges, facile à lire et édifiante, laissez-vous tenter par une histoire vraie et prenante.
Quand le silence est palpable : La taupe, réalisé par Thomas Alfredson

Voici un thriller géopolitique dans les règles de l’art. Dans les eaux troubles des hauts bureaux du MI6 en pleine guerre froide, on suit les regards lourds de sens et les soupçons d’un service infiltré par une taupe. Les regards, les gestes, tout est mesuré au millimètre près, et tous les éléments se combinent à merveille pour créer un équilibre quasi-parfait entre les personnages. Comme beaucoup d’œuvres dans cette liste, tout réside dans l’ambiance, subtilement installée par une réalisation léchée et mise en valeur par une bande-son discrète mais diablement efficace. On ne sait rien, on pense deviner mais le scénario reste aussi opaque que les visages. Dans un silence tendu de sous-entendus, naviguez à vue entre les dialogues tranchants, le tout dans une paranoïa omniprésente. Un Cluedo sans parole que vous allez adorer.
Le silence de la tranquillité : L’homme qui marche, de Jirô Taniguchi

C’est tout un art de rendre des choses simples fascinantes. C’est là le génie de Jirô Taniguchi qui, par cette marche, se fait maître de notre tranquillité.
Nous suivons un homme qui marche. Il ne fait que ça, tantôt seul, tantôt avec sa femme, son chien, ou les deux. Tantôt le soir, tantôt le matin, il marche en regardant et en profitant de paysages ordinaires et paisibles. Aucun scénario, quasiment pas de paroles, pas de message. Juste la poésie trop souvent oubliée d’un environnement quotidien qui a aussi ses charmes.
Un manga feel-good, pourrait-on dire. En tout cas, on ne marche plus de la même manière après l’avoir lu. À lire après avoir regardé la Taupe !
Le silence de l’instant : 3 secondes, de Marc-Antoine Mathieu

Sans aucun doute le concept le plus original de la liste. Une bande dessinée inhabituelle, basée sur un concept audacieux, jouant sur les reflets et les différents points de vue d’une scène unique. L’auteur nous embarque dans un voyage pendant trois secondes, sur une scène de crime dont nous ne savons rien. Nous avançons de case en case, de noir en blanc, et seule notre vue peut nous aider à construire petit à petit un environnement deviné lors des trajets, entre vues lointaines et gros plans. Nous sommes à la merci du dessinateur, qui joue brillamment avec notre patience, le tout dans le silence le plus total.
L’intériorité silencieuse : Des hommes et des dieux, réalisé par Xavier Beauvois

Comment parler du silence sans parler d’intériorité ? Dans l’intimité d’un monastère cistercien à Tibhirine, en Algérie, la vie des moines, leur travail, leurs relations avec les habitants, leurs prières, sont exposés avec pudeur et avec une certaine douceur très réaliste. D’apparence banal, c’est un décor qui se révèle assez dépaysant. Aucun artifice dans ce qui pourrait ressembler à une magnifique succession de tableaux de vie quotidienne. Pourtant, Dieu sait que les thèmes abordés étaient risqués : religion, coexistence entre différentes religions, et surtout l’enlèvement des moines puis leur mort en 1996. Pari réussi.
Voici un bon échantillon des très nombreuses créations artistiques silencieuses. Si vous êtes encore réveillés, il est temps d’évoquer quelques mentions honorables pour finir : je pense au très poétique dessin animé Le roi et l’oiseau, à Paranormal Activity(ai-je besoin de le présenter ?), à l’excellent thriller chilien Dans ses yeux, au Silence de la merde Vercors, dans une veine plus historique, ou encore aux courageux témoignages des personnes meurtries (Tous les frères font comme ça, Le silence des autres). Car le silence peut aussi être celui de l’oubli, celui qui rend invisible les victimes. Alors, dans ce cas, pour se rappeler, il faut le briser.
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