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Argentine : le fantôme de la crise de 2001

Décembre 2001. L’Argentine s’enfonce dans une crise économique d’une violence financière et sociale sans précédent. Inflation, démantèlement des politiques sociales, décroissance, intervention du FMI ; 17 ans plus tard, le scénario se répète. C’est avec inquiétude que l’Argentine, pourtant un des pays les plus avancés d’Amérique latine, constate la détérioration grandissante de son économie. Le fantôme […]

Décembre 2001. L’Argentine s’enfonce dans une crise économique d’une violence financière et sociale sans précédent. Inflation, démantèlement des politiques sociales, décroissance, intervention du FMI ; 17 ans plus tard, le scénario se répète. C’est avec inquiétude que l’Argentine, pourtant un des pays les plus avancés d’Amérique latine, constate la détérioration grandissante de son économie. Le fantôme de la crise de 2001 semble planer au-dessus du pays du Cône Sud.

L’année 2018 a été celle d’un retour dans le passé pour l’Argentine. Les manifestations ont rythmé les rues du pays. Après les vaines mobilisations en faveur de la légalisation de l’avortement au printemps, la colère ressurgit face aux politiques d’austérité lancées par le président Mauricio Macri. Le PIB est en chute libre, le peso a perdu 50 % de sa valeur face au dollar en 2018, les aides sociales ont subi des coupes considérables. Face à cette situation, rigueur économique et aide du FMI ont été de mise. Pourtant, ce sont pertinemment ces deux éléments de réponse aux quatre années de récession à la fin des années 1990 qui ont précipité l’Argentine dans la crise de 2001. Le pays est-il destiné à subir et enchaîner les crises économiques ?

Des indicateurs macro-économiques de plus en plus inquiétants

Il a fallu attendre que le pays soit dans un état de crise avancé pour voir une prise de conscience de la part du gouvernement, comme de la communauté internationale. En effet, le pays vit pourtant avec un taux d’inflation annuel de 20 % depuis plusieurs années, et les cycles successifs croissance-récession auraient pu constituer des indicateurs pertinents pour constater la situation économique du pays.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En plus de ceux indiqués plus haut, en octobre, l’activité industrielle a chuté de 11 %, détruisant 100 000 emplois sur l’année en cours. La dette publique a explosé, augmentant de 142 milliards de dollars en deux ans. Quant au déficit public, ce dernier reste viable (autour de 4% du PIB) mais il continue à poser un problème de financement de l’État.

L’instabilité du peso argentin

En cette fin d’année 2018, l’inflation du peso argentin frôle la barre des 50 %. Pour illustrer concrètement, 1 euro valait 15 pesos en août 2016 alors qu’il en vaut 43 aujourd’hui. Certes, le pays est habitué à vivre dans l’incertitude monétaire puisque le taux moyen d’inflation par an se situe autour de 20 % ; loin des 2 % imposés aux États de l’Union Européenne par les critères de Maastricht. Mais jamais cette barre symbolique des 50 % n’avait été aussi proche. Même après la crise de 2001, l’inflation n’était « que » de 40 %. En guise de réponse, les taux d’intérêts ont été relevés à 60 % ; les plus hauts du monde actuellement.

Face à ce manque de confiance en la monnaie locale, le dollar est devenu une assurance anti-inflation. Les ménages de la classe moyenne épargnent en achetant des dollars. L’écart se creuse donc entre ceux qui peuvent se permettre d’échanger des pesos contre des dollars, et ceux qui doivent se contenter de vivre avec leurs pesos dont on ne sait combien il vaudra le lendemain.

À cela, ajoutons que l’inflation touche principalement les produits de base : l’essence a doublé en un an ; l’eau, le gaz et l’électricité ont augmenté de plus de 1 000 % en deux ans.

Le FMI dans le viseur

« L’économie Argentine est train de se stabiliser » a annoncé, enthousiaste, Christine Lagarde, quelques jours avant l’ouverture du G20 de Buenos Aires. Un prêt de 57 milliards de dollars a en effet été accordé à l’Argentine, en échange de la réduction du déficit public. La chambre des députés argentine a donc approuvé en octobre le budget de l’État pour l’année 2019. Pour répondre aux exigences du FMI, il prévoit notamment des coupes budgétaires dans les domaines de la santé, la sécurité sociale, l’éducation et les logements sociaux ; dans un pays où 27,3 % de la population vit déjà en dessous du seuil de pauvreté au premier semestre 2018 selon les chiffres officiels de l’INDEC.

L’accord avec le FMI semble ne pas plaire à tout le monde. Il rappelle en effet la politique d’austérité déjà imposée à la fin des années 1990. « N’importe quel accord avec le FMI ne me paraît pas bon pour un pays attaché à sa souveraineté. Je pense qu’il y a d’autres moyens de sortir de la crise. Le Fonds impose ses propres recettes. Il prête à cette condition», remarque Pablo Gallo, avocat de 42 ans interrogé pour un article du journal Le Monde. Aussi, rappelons que le FMI avait claqué la porte au nez de la Casa Rosada en décembre 2001, refusant de lui accorder une aide de 1,3 milliard de dollars, après avoir déjà débloqué 20 milliards de dollars durant l’année. Le fantôme de 2001 continue de planer : parviendra-t-on à l’attraper avant qu’il ne finisse de terroriser le pays ?

Manifestation à Buenos Aires, 1er juin 2018. Crédit photo : Marcos Brindicc via Reuters

Camille Bayet

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