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Je viens de la nuit où l’on souffre, comme une évidence

Je viens de la nuit où l’on souffre est une pièce écrite par Olivier Augrond et jouée par la troupe des Apaches, qui traite plus que jamais d’une actualité toujours brûlante : la lutte contre le sexisme. Un sujet concret, malheureusement trop récurrent, qui a été traité avec brio par la direction d’Olivier Augrond et la […]

Je viens de la nuit où l’on souffre est une pièce écrite par Olivier Augrond et jouée par la troupe des Apaches, qui traite plus que jamais d’une actualité toujours brûlante : la lutte contre le sexisme. Un sujet concret, malheureusement trop récurrent, qui a été traité avec brio par la direction d’Olivier Augrond et la scénographie de Suzanne Barbaud. Analyse. 

Situé au métro Charonne, La Loge est un théâtre fondé par Alice Vivier et Lucas Bonnifait il y a huit ans. Lieu de création et de diffusion, il est aussi celui des prises de risque. Il accueille de nombreux projets qui donnent pleine liberté aux auteurs, notamment Je viens de la nuit où l’on souffre d’Olivier Augrond pour la saison 2017-2018. La pièce est jouée par le collectif d’actrices appelé Les Apaches, avec Marie Dompnier, Margot Faure, Julie Lesgages, Nathalie Pivain et la voix d’Annie Mercier.

Une nuit opaque

« Moi que l’on viole, moi que l’on vend, je viens de la nuit où l’on souffre. », déclame Nathalie Pivain lors d’un monologue saisissant. Quelle est cette fameuse nuit ? Au début des trois grands mouvements de la pièce, le spectateur ne sait pas. Il est perdu, malmené. Il fait sombre, d’abord. Puis les lumières se font criardes, éblouissantes. En arrière-plan, de plus en plus invasive, la musique bourdonne, grinçante, oppressante. Des cordes striées, des bruits d’insectes, de machines. Les volutes de fumée projetées rendent l’espace scénique aussi opaque que les dialogues.

Puis, petit à petit, le propos s’éclaircit. La nuit, c’est l’oppression, la soumission, le désir réprimé de la femme. La première scène traite de la peur d’une jeune fille voulant se faire avorter. La deuxième dresse le tableau d’une mutation forcée d’une employée pourtant modèle. Enfin, dans un dernier temps, on nous parle du manque de jugement du viol incestueux d’une enfant de onze ans.

L’évidence esthétisée 

Des sujets très concrets, dont les enjeux sont, hélas, presque des lieux-communs encore aujourd’hui. Cependant, le traitement est original et donne une envergure plus frappante aux propos. Ainsi, si la majorité des personnages sont masculins, et occupent par ailleurs des postes importants (docteur, avocat, juriste, patron), ce sont des femmes qui les jouent. Elles brisent les stéréotypes de genre, viriles en talons aiguilles.

Au début, les dialogues sont des mosaïques d’abstractions. « C’est tellement évident », nous dit-on pourtant sur scène, dans une double énonciation complice avec le public. Et en effet, c’est évident. Cependant, c’est évident dans la société du public, pas sur scène. On en appelle ici au vécu personnel du spectateur, pas à ce qu’il a pu saisir du contexte de la pièce. S’il pensait à s’échapper de son univers oppressant, il se trompe puisque ce dernier est placardé avec véhémence. Il ne s’agit pas de s’évader mais de montrer et hurler la vérité du sexisme. Dans la pièce comme dans la vie, les femmes ont l’illusion du choix alors qu’on leur impose tout. Le terme « désir » est omniprésent alors que toujours le désir y est opprimé. Enfin, on soulève des questions cruelles : avorter, c’est renoncer ?

De grandes actrices

Le jeu des actrices est incroyable. Elles sont puissantes, bestiales. Dans un tableau on les déteste, dans l’autre on les adore. La performance de Julie Lesgages était particulièrement remarquable. Par les variations de sa voix tantôt chaude, tantôt glaciale, et la force de ses regards. Si ce spectacle n’est pas forcément nécessaire pour qui est déjà sensibilisé aux problématiques féministes, il l’est cependant pour celui qui aime le théâtre et la puissance du jeu. Je viens de la nuit où l’on souffre est l’histoire d’une prise de pouvoir après les ténèbres : elles sont la parfaite incarnation de cette énergie.

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