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Le franc CFA : une monnaie-outil du néocolonialisme ?

Le Franc CFA circule encore dans quatorze pays de l’Afrique subsaharienne. Héritage de la colonisation française, il s’avère être un réel frein à l’émancipation économique de ces pays. Créé en 1945, le franc des Colonies françaises d’Afrique (CFA) est la dernière monnaie coloniale encore en activité. Son utilisation n’a pas permis aux pays de la […]

Le Franc CFA circule encore dans quatorze pays de l’Afrique subsaharienne. Héritage de la colonisation française, il s’avère être un réel frein à l’émancipation économique de ces pays.

Créé en 1945, le franc des Colonies françaises d’Afrique (CFA) est la dernière monnaie coloniale encore en activité. Son utilisation n’a pas permis aux pays de la zone d’impulser une véritable dynamique de croissance. Au contraire, il handicape considérablement les pays privés d’une souveraineté monétaire.

Une monnaie défendue en Afrique

Les pays de la zone du franc CFA appartiennent chacun à l’une des deux unions monétaires de la région. Ce sont l’Union économique et monétaire Ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). L’archipel des Comores, quant à lui, utilise le franc sous le nom de franc comorien. L’interpellation de Kémi Séba le 19 août dernier au Sénégal pour avoir brûlé à Dakar un billet de 5 000 francs CFA (soit 7,60 euros) avait relancé la polémique sur l’intérêt de conserver ou non l’usage de la monnaie. Si pour la majorité des économistes et politiciens africains il est une tare, d’autres pensent en revanche qu’il permet une stabilité économique.

C’est le cas du président ivoirien Alassane Ouattara, qui estime que c’est une monnaie « solide » et« appropriée ». Ce dernier est soutenu par Edoh Kossi Amenounvé, directeur général de la Bourse régionale des valeurs immobilières (BRVM). Selon lui, en le conservant, on conserve aussi une politique de change plus lisible pour les milieux économiques.

« Il est plus avantageux de conserver le franc CFA »

Certains défenseurs du franc CFA voient les priorités économiques ailleurs que dans son maintien. En effet, la réalité économique des pays comme le Niger met en lumière des défaillances dans les infrastructures de base. Néanmoins, l’abolition du franc CFA serait une réponse symbolique à la promesse de fin de la « Françafrique » faite par François Hollande il y a cinq ans. Cependant, la monnaie est toujours fabriquée exclusivement en France et les détracteurs y voient des restes d’impérialisme voire de néocolonialisme. Cela s’explique par le fait que les banques africaines doivent déposer au moins la moitié de leurs réserves de change auprès du Trésor français.

Un tabou africain

L’utilisation du franc CFA s’avère être un échec. Elle n’a pas permis aux économies de la zone franc d’accroître les échanges intracommunautaires, ou encore d’améliorer leur compétitivité. L’économiste togolais Kako Nubukpo, l’un des plus fervents détracteurs du franc CFA, explique que la souveraineté monétaire est une condition sine qua non pour un essor économique. Il prend ainsi pour contre-exemple les pays d’Asie du Sud qui à la différence de ces pays africains en retard de développement « ont chacun leur monnaie ».

« A la différence de nous, ces pays asiatiques ont chacun leur monnaie »

Dans un entretien accordé à Libération en octobre 2016, il affirmait l’urgence de sortir du « lien colonial ». Néanmoins, Kako Nubukpo ne plaide pas pour une monnaie unique des quatorze pays. Il serait plutôt pour une conservation du franc CFA « tout en rompant la fixité avec l’euro ». En effet « l’évolution du franc CFA est uniquement déterminée par les événements dans la zone euro et non pas par la conjoncture de nos pays ».

Un « non-sujet » français

L’indépendance des pays africains est également défendue en France par le président Emmanuel Macron. Cependant le franc CFA maintient une dépendance abyssale. Suite à une question posée par un étudiant burkinabé lors de sa tournée africaine en novembre dernier, le président français s’est positionné en faveur du franc. Il y soulignait que la monnaie garantissait la stabilité de la zone et que la dénomination «franc» ne devait pas être «obsessionnelle». Selon lui, le franc CFA est un « non-sujet ». Ainsi, il renvoie la balle dans le camp des dirigeants africains qui se retrouvent dans une position d’allégeance et de « servitude volontaire », comme l’explique Kako Nubukpo.

Les dirigeants politiques ne peuvent désormais plus se résoudre à accuser l’État français. Kako Nubukpo ajoute que le « manque de volonté politique évident de la France » fait de cette région sa « chasse gardée ». Il y a ainsi un intérêt bilatéral à maintenir ce statu quo économique au détriment des populations locales. Selon certains extrémistes, le franc CFA serait même un complot français. Cette théorie reste cependant à relativiser puisque les membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) visent une nouvelle monnaie unique d’ici 2020, projet qui avait déjà été initié en 1980.

Reste à voir ce qui sera fait d’ici là…

crédit photo : Issouf Sanogo pour AFP

Maëlys Kapita

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