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Crise des Rohingyas : de la Love Army à la visite du pape François

900 000. C’est le nombre de réfugiés au Bangladesh, persécutés par les autorités de leur propre pays, réduits au statut d’apatrides. La situation est telle qu’elle a finalement fait réagir nombre de personnalités françaises, en plus du chef de l’Église catholique. Pour aider le peuple Rohingyias, une solution : la Love Army. « La mobilisation a été […]

900 000. C’est le nombre de réfugiés au Bangladesh, persécutés par les autorités de leur propre pays, réduits au statut d’apatrides. La situation est telle qu’elle a finalement fait réagir nombre de personnalités françaises, en plus du chef de l’Église catholique. Pour aider le peuple Rohingyias, une solution : la Love Army.

«La mobilisation a été multiple : des DJ, des Youtubers, des acteurs, le chef de l’Église catholique en personne… ils ont voulu prouver que chacun, à son échelle, pouvait agir en faveur des plus démunis.»

La Love Army, une armée pas comme les autres

La Love Army, n’est pas composée de soldats formés à l’exercice du combat, mais à celui de la distribution de vivres. Il s’agit cette fois-ci de gagner un combat contre des conditions de vie déplorables. Et qui sont donc ceux qui se cachent derrière cette armée du bonheur? D’abord, un commandant en chef star des réseaux sociaux, Jérôme Jarre. Ce dernier est accompagné d’une dizaine de personnalités parmi lesquelles figurent notamment Omar Sy, DJ Snake ou encore Jhon Rachid. Ensemble, ils comptent ainsi sur leur notoriété pour alerter la communauté internationale. En plus de l’inviter à se mobiliser en faveur des Rohingyas, cette communauté musulmane birmane contrainte à l’exil.

Une mobilisation sur les réseaux sociaux

Simples citoyens, grands dirigeants et entrepreneurs se sont par conséquent retrouvés pris à parti pendant deux jours. Au travers de vidéos filmées en direct d’un camp de réfugiés du sud du Bangladesh, à coup de relais sur les réseaux sociaux. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a pour sa part répondu à l’appel en assurant ne jamais refuser d’apporter une aide quelconque à ceux qui la requièrent, mais sans promesse de dons pour le moment. Un engagement qui fait polémique quand on sait le degré de répression que subissent ses propres opposants depuis la tentative de coup d’État avorté de juillet 2016. La compagnie aérienne Turkish Airlines, de son côté, s’est elle aussi dite prête à soutenir le projet. Elle s’était d’ailleurs déjà engagée lors d’un appel lancé quelques mois plus tôt sous le hashtag #LoveArmyforSomalia, alors durement touchée par la famine et la sécheresse.

Un héros : Jérôme Jarre

En effet, à tout juste 27 ans, Jérôme Jarre n’en est pas à son premier coup d’essai, mais à son troisième. Il a déjà récolté plus d’un million de dollars en septembre dernier en faveur des sinistrés du tremblement de terre au Mexique, qui avait causé la mort de 300 personnes.

Cette fois-ci, l’appel à la solidarité a encore été entendu et la campagne humanitaire éclair s’est révélée virale. Bien qu’aucune entreprise n’ait effectué de don pour soutenir la cause Rohingya, une importante levée de fonds a pu être réalisée. Plus de 30 000 internautes ont contribué à l’effort et 1,04 millions de dollars ont été récoltés sur la plateforme de financement participatif gofundme.com.

Une visite papale inédite, après 30 ans d’absence

La venue du pape en Birmanie était la première, au Bangladesh la dernière remontait à 1986. Acclamé ce vendredi par les 380000 catholiques bangladais — soit 0,24 % des 169 millions d’habitants du pays —, Jorge Bergoglio a ainsi fait le voyage pour soutenir ces petites communautés des «périphéries de la planète» sur leur chemin de foi. Mais aussi, et surtout, afin de sensibiliser le reste du monde à cette crise humanitaire sans précédent.

D’abord de passage pendant quatre jours en Birmanie, il a appelé ses habitants à 90 % bouddhistes «à dépasser toutes les formes d’intolérance, de préjugé et de haine». En prenant soin toutefois à ne pas prononcer, contrairement à son habitude, le mot «Rohingya». Il l’a ainsi remplacé par celui plus politiquement correct de «réfugiés arrivés en masse de l’État Rakhine». En effet, ces peuples présents depuis plusieurs siècles dans cette région pour certains ou bien issus d’une immigration relativement récente — en provenance du Bengale voisin —. Ils  se sont toujours vu refuser le statut de minorité ethnique par les autorités birmanes et par la quasi-totalité du reste de la population. Par conséquent, ils sont privés de tous leurs droits, en plus d’être chassés par l’armée du pays. Il y a quelques mois, le souverain pontife avait pourtant osé appeler à prier pour «nos frères et nos sœurs rohingyas torturés et tués».

«Prendre des mesures décisives»

Quoi qu’il en soit, le pape François a librement pu interpeller la communauté internationale et la convier à prendre «des mesures décisives» face à l’exode de cette minorité musulmane. Précisant qu’il attendait une «aide matérielle immédiate» pour sortir de cette situation de crise.

«Aucun d’entre nous ne peut manquer d’être conscient de la gravité de la situation, de l’immense coût imposé par les souffrances humaines et les conditions de vie précaires de si nombreux de nos frères et sœurs, dont la majorité sont des femmes et des enfants, rassemblés dans des camps de réfugiés», a conclu le pape avant de s’envoler pour le Bangladesh.

Il a pu y constater qu’«au cours des derniers mois, l’esprit de générosité et de solidarité» avait bel et bien animé les Bangladais, mais que les besoins en vivres se multipliaient à mesure que les réfugiés continuaient à affluer. Alors que ce pays d’Asie du Sud est en parallèle souvent recensé parmi les plus pauvres de la planète, il a tenu à souligner la nécessité d’une solution politique au conflit. En temps que souverain pontife, il a enfin clos son discours en condamnant de nouveau les attaques commises à l’encontre de certaines minorités religieuses et en encourageant au dialogue interreligieux :

«Dans un monde où la religion est souvent — scandaleusement — mal utilisée pour fomenter des divisions (…) le pouvoir de réconciliation et d’union [entre les religions, ndlr.] est plus que jamais nécessaire».

Des actions contre un «nettoyage ethnique»

Il n’empêche que la mobilisation de la Love Army comme celle du pape ne peuvent suffire et en aucun cas remplacer le travail des humanitaires qui ne se limite pas, comme il est parfois donné à entendre, à la distribution de vivres — eau et nourriture —. Tandis que l’Organisation des Nations-Unies dénonce régulièrement la «violence excessive» exercée à l’encontre de cette communauté, la population birmane ne cesse d’être encouragée dans sa tendance nationaliste anti-musulmane. C’est d’ailleurs encore plus le cas depuis que quelques Rohingyas radicalisés se sont insurgés contre des dizaines de postes de police en août dernier, entraînant la mort de nombreux militaires birmans. Cette révolte visait à mettre fin aux nombreuses restrictions subies par cette ethnie musulmane chassée de l’État d’Arakan, dont la nationalité birmane leur a été retirée pour rappel depuis 1982. Une liberté de circulation entravée, un mariage qui se doit d’être «approuvé», un marché du travail inaccessible et des services publics inexistants. Leur colère était certes motivée, mais leurs actes n’ont pas été sans conséquence.

Ils ont notamment conduit au déclenchement d’une campagne de répression massive menée par l’armée birmane, aidée de milices bouddhistes. Rapts, viols collectifs, massacres, saccages de villages… tous les moyens sont bons pour les pousser à l’exil. Alors que l’ONU évoque «un exemple classique de nettoyage ethnique»,  cela concernerait environ 836000 musulmans Rohingyas de Birmanie — selon les derniers chiffres de l’Organisation Internationale pour les Migrations —. 836 000 individus, qui s’entasseraient dans des conditions insalubres dans des camps au sud du Bangladesh. Ils auraient ainsi traversé la rivière frontière, parfois au péril de leur vie. Pour finalement rejoindre un pays qui les considère comme «des personnes déplacées de force depuis la Birmanie». Et qui ne souhaite ni leur intégration ni leur assimilation, selon le journal Libération. Dacca a même annoncé cette semaine envisager de nouveau la mise en place d’un plan d’installation de 70 000 à 100 000 réfugiés sur une île d’ici 2019…

crédit photo : Dexerto.com & La Nouvelle République

Louise Douillet

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