Ce jeudi 9 novembre, la Commission européenne a proposé aux États membres de renouveler pour 5 ans le droit d’utilisation du glyphosate dans les exploitations agricoles. La licence du pesticide très controversé s’achève à la mi-décembre. Cependant, les États ne sont pas parvenus à un accord quant au temps de transition vers un autre mode de désherbage.
Pour rappel, le glyphosate est substance chimique très puissante. On le retrouve essentiellement dans les produits de la marque Roundup, commercialisée par Monsanto depuis 1974. Il s’agit du désherbant le plus vendu à l’échelle mondiale.
Le clivage au sein de la communauté scientifique
Le sujet fait tant débat en raison de l’incertitude de la communauté scientifique quant à la nature cancérigène du produit. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer définit le glyphosate comme une substance « cancérogène probable pour l’homme ». Ce constat est rendu « sur la base de 350 études scientifiques indépendantes », précise la journaliste M.-M. Robin, auteure de l’ouvrage Le Roundup face à ses juges. Parallèlement, des agences telles que l’Efsa (Agence de Sécurité alimentaire européenne) affirment que le glyphosate n’est en aucun cas à l’origine du développement de cancers chez l’être humain. Alors qui croire ?
On peut alors questionner la crédibilité de certaines agences européennes niant son impact sur la santé. Le quotidien Ouest-France parle d’« une complaisance de bon aloi », à l’heure où Monsanto est sur le point d’être racheté par l’entreprise allemande Bayer. Les doutes subsistants rendent le processus de décision politique difficile. Les États membres de l’UE ne peuvent s’appuyer sur des preuves concrètes de l’impact de la prolifération du glyphosate sur la santé.
Quelles alternatives ?
L’autre enjeu qui sous-tend le débat est l’absence de substitut efficace tant en termes de rendements économiques que de protection environnementale. Actuellement, le glyphosate constitue un allié incontournable pour les fermiers français et européens. En effet, il s’agit d’un herbicide bon marché (2€ le litre) redoutable, quelle que soit l’espèce de mauvaise herbe. Par conséquent, son interdiction reviendrait à augmenter les coûts de production agricoles. Cela reviendrait aussi à employer davantage de pesticides pour atteindre le même niveau de désherbage. Quant au passage à l’agriculture biologique, s’il constitue une solution favorable à l’environnement. Cela serait néanmoins synonyme de baisse de productivité et là encore de hausse des coûts de production. Le dilemme pour les hommes et femmes politiques européens est assez clair : vaut-il mieux favoriser l’agriculture productiviste ou la santé humaine et environnementale ?
Le blocage du processus décisionnel par les États
La proposition de la Commission européenne, favorable à un renouvellement pour 5 ans, fait office de compromis entre les partisans d’une transition progressive et les partisans d’une transition rapide. Les États membres ne sont cependant pas parvenus à un consensus. Pour que la proposition de l’exécutif puisse être acceptée, elle devait rassembler au moins 16 voix sur les 28 pays membres de l’Union européenne et représenter plus de 65% de la population. Or, seuls 14 pays ont voté en faveur de cette proposition. De plus, la France, disposant d’un poids démographique déterminant, s’était montrée intransigeante sur la question. Elle milite pour que la licence du glyphosate soit réduite à 3 ans.
Ainsi, la Commission a annoncé que la proposition allait de nouveau être soumise au vote au sein d’un comité d’appel composé des représentants des États membres. Toutefois, si là encore le vote n’atteint pas une majorité qualifiée, ce sera à la Commission européenne de trancher. Cela reviendrait à déresponsabiliser les représentants gouvernementaux européens si jamais la décision venait à mécontenter le monde agricole et l’opinion publique.
Crédit photo : PHILIPPE HUGUEN / AFP
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