Macron a décidé de réformer encore un peu plus le code du travail. Les syndicats, tout comme le Front social, ont décidé de réagir en appelant à une manifestation et une grève interprofessionnelles mardi 12 septembre dernier. Ainsi s’est tenue la première mobilisation sociale depuis le début du quinquennat. Cette dernière devait être à l’origine d’un bras de fer entre l’exécutif et les syndicats contre les ordonnances réformant le droit du travail. L’enjeu était de taille : mobiliser en masse pour s’imposer face au gouvernement comme premier mouvement d’opposition contre la réforme du code du Travail.
Répondre à l’appel
Parmi les 4000 appels à la grève recensés par la CGT, les secteurs concernés étaient essentiellement ceux de la fonction publique et des transports. Les secteurs pétroliers et ceux des énergies ont également été mobilisés par la FNIC-CGT, lFO et l’alliance Unsa – CFE-CGC. Enfin, les forains ont aussi répondu présent pour se liguer contre l’ordonnance du 19 avril 2017. En effet, cette dernière impose aux municipalités d’organiser un appel d’offre pour tous les emplacements publics d’animation et ce, à des fins d’exploitation économique. Il en résulterait, selon le ministère de l’intérieur, près de 223 000 manifestants dans la rue mardi dernier. Dans la capitale, la CGT annonce 60 000 manifestants présents mardi après-midi, chiffre légèrement différent des 24 000 donnés par la préfecture. Derrière ces chiffres, une autre question demeure : qui était présent à cette manifestation ?
De tous les horizons
Depuis la foule, s’élevaient slogans et clins d’œil cyniques. « Macron t’es foutu, les fainéants sont dans la rue ! », « La révolution est en Marx ! », ou encore « C’est parti pour un automne de grève !!! Macron tu vas plier ! ». Si les ballons de la CGT, de Solidaires ou encore de la CFDT dominaient le boulevard de Bastille en début d’après-midi, certains manifestants n’étaient pas venus sous ces bannières. Parmi les nombreux indépendants venu faire valoir leurs idées, Christine, 65 ans. Munie de son panneau « Frexit = Macron Exit », elle n’hésite pas à donner son avis concernant le Président de la république dont les actions l’ont amenée à manifester mardi dernier pour la première fois ; « Macron est en train de tout casser : les jeunes, les vieux, tout le monde. Il uberise tout, il fracasse tout. On aura un monde au-dessus de nous qui tirera les ficelles et qui se remplira les poches, et en bas on aura les esclaves ».
Parmi cette assemblée de manifestants aux opinions diverses, on ne voit pas que des français. En effet, Piet, jeune allemand de 19 ans, est venu jusqu’en France pour alerter et manifester. « La situation en Allemagne est différente parce qu’en Allemagne, tout le monde se tait. Nous avons les mêmes lois du travail ». Membre depuis l’âge de 15 ans du mouvement allemand « Revolution statt Krieg » (« la Révolution plutôt que la Guerre »), il nous explique les fondements de son mouvement. « Nous pensons que c’est la première étape d’une nouvelle révolution en Europe. L’Europe a besoin d’une révolution contre le capitalisme. Car c’est le capitalisme qui a engendré la première guerre et la seconde guerre mondiale. C’est donc contre lui que nous devons nous révolter ».
Ainsi, bien loin de s’accorder d’un point de vu idéologique, c’est pourtant bien des milliers de manifestants qui défilaient depuis le boulevard de Bastille jusqu’à la place d’Italie ce 12 septembre. Venus protester ensemble contre les ordonnances émises pour cette loi travail, se trouvaient majoritairement des salariés mécontents. Gaëtan, 40 ans, représentant du personnel élu à la CFDT, nous explique pourquoi. « L’organisation de cette loi travail crée un déséquilibre fortement en défaveur des salariés et va créer une déstabilisation complète du mode de fonctionnement du travail tel qu’il est aujourd’hui. […] Et cet ensemble de problèmes, quand on l’a remonté aux salariés, ils nous ont dit : On n’est pas d’accord pour que ces ordonnances passent en l’état, on va manifester à Paris ».
Cette manifestation n’est pas pour autant le signe d’un rejet catégorique et Gaëtan affirme qu’ils sont prêts à discuter. « Nous, on demande que les négociations reprennent, sinon on enlève les ordonnances et on repart sur de nouvelles bases. En l’état, ces ordonnances ne sont pas applicables donc il faut recommencer le travail qui a été fait jusqu’à présent ». Ainsi, c’est une foule très hétéroclite, autant dans ses visions idéologiques que ses origines civiles, qui s’est réunie mardi dernier à Paris contre les ordonnances de président Macron. Et si globalement tous se sentaient menacés par l’application de la loi travail, certains y voyaient même une attaque plus directe envers la gente féminine.
Une Loi Sexiste ?
Selon Eléonore, 26 ans, membre de l’association « Osez le féminisme » depuis 2014, le danger ne fait aucun doute. « On pense que la loi travail a un impact plus fort sur les femmes, puisque ça s’attaque notamment au temps partiel et que les femmes représentent 80 % des travailleurs à temps partiel. Ça veut dire que si on touche au temps partiel, on touche d’abord aux femmes. C’est pour ça que l’on pense que la loi travail est sexiste et qu’on est dans la rue aujourd’hui ».
Selon elle, le féminisme, c’est d’abord l’égalité homme–femme. Dans la rue depuis plusieurs années déjà pour la défense des droits de la femme, elle était également présente ce mardi pour dénoncer « le danger ». Eléonore nous explique plus clairement en quoi les femmes seront les premières impactées. « La loi travail prévoit de supprimer certains outils qui permettent plus d’égalité professionnelle dans le monde du travail, et donc on pourrait rétablir ces outils qui permettent de mesurer les inégalités professionnelles – les écarts de salaire par exemple- dans l’entreprise. Cette loi travail prévoit de supprimer les CHSCT ( Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail). Les CHSCT c’est notamment eux qui sont formés pour prendre en charge les femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel au travail. En France, il y a 1 femme sur 5 qui est victime de harcèlement sexuel au travail. Si on supprime cet outil-là, forcément ça impacte les femmes ».
La « suppression » du CHSCT à laquelle il est fait allusion résulterait d’une fusion de ce dernier avec une délégation unique du personnel (DUP) dans les entreprises de 300 salariés et plus. Emmanuel Macron justifie cette décision par un souci de simplification ainsi qu’une limitation des effets de seuil afin que les élus aient « une vision plus globale de l’entreprise et cernent ainsi mieux les projets. ». Ces arguments restent fortement contestés, et ce, en partie parce que leur application pratique s’est très peu vérifiée. Cela n’en reste pas moins une vision supplémentaire apportée par les manifestants contre la loi Travail.
Match Nul
Si des échauffourées ont bien eu lieu en tête de cortège au niveau du boulevard de l’Hôpital, c’est notamment dû à la présence de quelque 300 personnes encagoulées qui ont lancé des projectiles sur les forces de l’ordre. Ces derniers ont répliqué à coups de gaz lacrymogènes et plusieurs personnes ont été interpellées. Au final, aucun blessé et une manifestation qui s’est globalement déroulée dans une ambiance assez bon enfant. La CGT dresse un bilan satisfaisant de cette première manifestation. Son secrétaire général, Philippe Martinez, s’est empressé de programmer un nouveau rassemblement le 21 septembre prochain.
Les avis dans la presse restent très partagés quant à la « victoire » de cette première marche. Les rassemblements étaient certes conséquents mais pas si nombreux que ça à l’échelle de la France entière. Pour le Figaro et le Parisien c’est une défaite; ce dernier titrera d’ailleurs sa Une du lendemain : « Première Manche Macron ». De son côté, Libération répond, plus enthousiaste : « Et voilà le travail ! ». Pourtant, ce bras de fer avec le président pourrait n’être qu’un duel de premier plan. C’est bien fin septembre, avec la manifestation de la France Insoumise prévu pour le 23 septembre, qu’aura lieu le véritable affrontement visant à déterminer qui de Jean-Luc Mélenchon ou de Philippe Martinez mène réellement l’opposition contre la réforme du Travail. Réponse dans deux jours…
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