Waterloo. Voilà dans quelle bataille s’engage le Parti Socialiste français en vue de la prochaine élection présidentielle. Face à lui, la droite. Enfin des droites, mais pas que. À la fois concurrencé sur sa gauche par Jean-Luc Mélenchon et sur sa droite par le leader du mouvement « En marche » Emmanuel Macron, la bataille risque d’être sanglante. Après que François Hollande a qualifié sa politique de social-démocrate, c’est bien l’idéologie de la « Gauche de gouvernement » qui est profondément remise en cause. Mais cette situation n’est pas uniquement française.
En Italie, Matteo Renzi a démissionné suite à sa défaite au référendum du 4 décembre dernier, laissant son parti, le « PD » très fragilisé. En Grèce, le Parti Socialiste (PASOK) a quasiment disparu. En Espagne ce n’est pas mieux pour le PSOE. En Allemagne, le Parti Social-Démocrate (SPD) est déstabilisé. Enfin, au Royaume-Uni, Jeremy Corbyn mène le Parti Travailliste vers un désastre électoral, après avoir abandonné son bastion historique, l’Écosse, aux indépendantistes.
L’idée de social-démocratie dans une Europe unifiée
Après avoir été largement influencée par les idées marxistes au cours du XIXème siècle, la social-démocratie, branche du socialisme, désigne aujourd’hui un courant réformiste et social, appliquant les idées libérales de l’économie de marché.
C’est avec la construction européenne et l’ère du libéralisme des années 1980-1990 que l’aile centre-gauche des partis socialistes européens s’accélère. La chute du mur de Berlin et de l’URSS a également accentué fortement ce changement, provoquant un essoufflement des partis à la gauche des partis sociaux-démocrates. C’est donc la branche réformiste qui l’emporte sur la branche révolutionnaire.
Néanmoins, deux visions s’opposent au sein même de cette social-démocratie, l’une française, l’autre anglaise. L’un des protagonistes s’appelle Tony Blair, Premier ministre du Royaume-Uni de 1997 à 2007. Sous son mandat, le Labour abandonna toute idée de collectivisme et adopta une ligne pro-libérale et partisane d’une flexibilité du travail. Néanmoins le « Blairisme » devint vite un « repoussoir idéologique » incitant alors Lionel Jospin à plaider pour un « socialisme moderne » tout en refusant une société de marché dérégulée.
Malgré ces divergences, ces dernières années ont vu une montée en puissance de la social-démocratie partout en Europe. François Hollande a été élu en 2012, Matteo Renzi a accédé à la présidence du Conseil Italien début 2014 et Giorgos Papandréou a triomphé en 2009 en Grèce. Sans oublier les autres partis sociaux-démocrates au Portugal et en Autriche qui ont tous conquis le pouvoir dans le même laps de temps.
Aujourd’hui c’est l’effet inverse. Défaite après défaite, la social-démocratie recule. En Italie, même si le PD reste pour l’instant au pouvoir, son chef de file Matteo Renzi a démissionné. En France, François Hollande a abandonné l’idée de se représenter et le PS a complètement disparu des conseils régionaux en région PACA et Hauts-de-France. Enfin, en Grèce, le parti socialiste a quasiment disparu.
Les raisons de la crise de la gauche
Invité d’Alain Finkielkraut dans son émission « Répliques » sur France Culture, l’ancien député socialiste européen Henri Weber cherche à expliquer les causes complexes et nombreuses de cette crise. Selon lui la Gauche souffre d’une « crise de refondation » qui provient en parti d’une « crise des moyens » et suggère qu’il faut « refonder la formation politique [le Parti Socialiste] dans son ensemble, à la fois sur le programme, dans son organisation et sur ses pratiques militantes ».
Le philosophe Marcel Gauchet, quant à lui, apporte d’autres explications. D’après lui c’est une « panne de l’imagination de l’avenir » qui serait en cause car, pendant longtemps, la Gauche a eu la capacité d’imaginer une société différente et meilleure. Il rajoute qu’aujourd’hui la Gauche « est incapable de se représenter un autre modèle de société que la nôtre » du fait de notre « ignorance du passé ». La Gauche est donc « prisonnière d’un tabou moral et d’une pensée ancienne » qu’elle n’arrive pas à surmonter.
À cela s’ajoute la conversion de ses valeurs à l’idéologie capitaliste. Tout au long du quinquennat de François Hollande, combien de fois n’avons-nous pas entendu des citoyens réclamer une politique économique « de gauche » ? Face au sentiment de « mondialisation malheureuse », de déclassement et d’insécurité culturelle, la Gauche reste mal-à-l’aise, cherchant à absorber les questions identitaires dans la question sociale. Elle a donc perdu le soutien des classes populaires.
L’année 2017 s’annonce donc à haut risque pour la social-démocratie européenne. L’interview du président du Parlement Européen, Martin Schulz ayant pour titre « La social-démocratie est en péril », publiée sur le site du journal Le Monde le 5 janvier 2017, ne fait pas baisser l’inquiétude. Si elle est incapable de se réformer, la Gauche social-démocrate se condamne à un avenir identique à celui des mouvements communistes, cantonnée à la protestation.
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