« Primaires à droite : tout le monde bat Sarkozy ! » « Hollande au plus bas, Juppé roi des sondages » « Macron domine le match à gauche » « Hollande s’effondre, Hulot et Macron s’envolent »… Quel crédit accorder à ces titres alléchants ? Si les enquêtes d’opinion qu’ils reflètent peuvent être scientifiquement valables, il est bon de rappeler, comme ont pu le faire les Décodeurs, qu’elles ne doivent être comprises et traitées que comme des « photographies des opinions prises à un instant T ». Libre à vous donc, d’y lire quelque chose d’absolument déterminant, même si vous risquez fortement, à terme, d’avoir de jolies surprises…
Etat des lieux
Les élections présidentielles de 2017 approchent à grands pas, et au sein du monde politique, tout le monde est dans les starting-blocks. Depuis le début de l’année, il ne se passe presque pas une semaine sans qu’un nouveau candidat à la motivation inébranlable ne se porte volontaire pour la course à l’Elysée. Du côté des instituts de sondage, l’heure n’est pas non plus à la détente : fréquemment cités, quotidiennement consultés, ces derniers semblent constituer la véritable colonne vertébrale d’un système qui leur aurait permis de devenir la référence absolue. Mais à quel prix ?
La fragilité des sondages en ce qui concerne leur capacité à prédire ce qu’il va se passer par la suite sonne pour beaucoup d’entre nous comme une évidence, et pourtant. Les univers politiques et médiatiques qui façonnent nos mentalités semblent de leur côté leur vouer une confiance quasi aveugle : à l’approche des élections, les enquêtes et les contre-enquêtes d’opinion ont ainsi tendance à s’enchaîner à un rythme effréné, et chacun y va de sa propre prophétie autoréalisatrice. On se rappelle pourtant, il n’y a pas si longtemps de cela, des sondages menés à la veille des élections présidentielles de 2002, ceux-la mêmes qui voyaient déjà Lionel Jospin et Jacques Chirac s’affronter au second tour ; ou encore des enquêtes conduites à l’orée de celles de 2012, et qui avaient alors contribué à forger la figure messianique d’un Dominique Strauss-Kahn réputé imbattable. La suite, on la connait …
In sondagio veritas
Si les méthodes employées par les sondeurs peuvent être en soi vivement critiquables en terme de finalité – marges d’erreurs, questions biaisées, échantillons non représentatifs de la population, etc. – , la principale faiblesse de ces derniers pourrait résider essentiellement dans leur incapacité à prévoir les événements sur le court terme. Le temps politique doit en effet être analysé comme un temps versatile et agité, et donc en soit difficile à mesurer : quelques manifestations trop violentes peuvent ainsi suffire à infléchir un rapport de force politique, tandis qu’un simple lapsus, ou une « rencontre inopinée » avec une femme de ménage à la sortie de la douche, peut définitivement enterrer une candidature auparavant promise à un avenir des plus brillants.
À qui profitent les sondages ?
Un sondage doit en réalité avant tout être analysé comme un formidable instrument politique, qui encourage surtout ceux qui maîtrisent le mieux les outils de communication à continuer sur leur lancée. Un candidat débutant ou traversant une période difficile aura ainsi de fortes chances d’assister à sa marginalisation sur le papier, marginalisation qui peut tendanciellement dissuader une opinion qui aurait pu lui être objectivement favorable. De là à dire que les sondages peuvent décider du cours d’une carrière politique, il n’y a donc qu’un pas, que l’on peut objectivement se risquer de franchir.
À l’inverse, un candidat correctement caressé dans le sens du poil par les instituts de sondage aura ainsi plus rapidement tendance à s’autopersuader de sa réussite future, et se verra confier plus aisément de nouveaux outils qui faciliteront d’autant plus l’accomplissement de sa propre prophétie. À ce prix là et à l’heure actuelle, rien n’empêcherait alors les sondages de se substituer à la réflexion politique qu’est la notre…
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