J’ai eu l’occasion de découvrir Clément Bénech grâce à une vidéo de Solange te parle, il y a de ça quelques mois.
Mais c’est en passant devant les « sélections du mois » de ma bibliothèque de quartier, que le titre du livre m’est revenu à l’esprit : Lève-toi et charme.
Après avoir lu la 4e de couverture, je l’emporte sans grande conviction. Le narrateur quitte Paris pour Berlin, et par effet ricochet ses amis et sa petite amie, pour se concentrer sur sa thèse. Il y rencontre Dora, une Berlinoise « invivable », et cherche à la connaître quitte « à troubler sa relation avec Annabelle ». Les histoires d’amoureux transis sont loin d’être mes lectures préférées : je préfère un bon policier aux jérémiades de Roméo et Juliette.
Et pourtant, grand coup de cœur pour ce bouquin !
Une écriture réfléchie
L’écriture est fluide, très imagée et pleine de comparaisons… pour le moins originales. Pour comprendre, voici un exemple : « Nadine faisait partie de ces personnes qu’il suffit de regarder quelques minutes pour entièrement les deviner, à la manière d’un système laplacien dont les conditions initiales déterminent en tout point l’avenir […] ». De plus, les mots sont choisis avec grande attention, j’en suis sûre, pour être les plus proches du sens voulu. Et surtout, la conjugaison est parfaite !
Hum, argument assez improbable n’est-il pas ? Mais je t’assure que c’est important !
« quand nous fûmes », « il eut été » … Le passé simple ou antérieur ne sont pas souvent utilisés aussi coutumièrement dans les romans contemporains et pourtant ils devraient. Rien de plus agréable que de lire des conjugaisons un peu inconnues. On y voit les tournures improbables dont le français regorge, les sonorités délicieuses que l’on tend à perdre … Enfin bref, on jongle entre imparfait, passé simple, le présent, le futur, le passé antérieur, le conditionnel … c’est exotique !
De plus, la ponctuation est divinement utilisée (et c’est mon âme de correctrice d’article qui parle ici !). Et à l’heure de cette réforme de l’orthographe et des circonflexes, ça peut être agréable.
Un roman simple
Rare pour un roman, il y a des images. On ne sait pas trop pourquoi elles sont là, un pot de beurre de cacahuète-casque de moto, une photo, un plan d’appartement …
On croise au détour d’une phrase un petit clin d’œil à Millénium, et pour les germanistes les plus fous d’entre nous, on peut y voir un ou deux jeux de mots dans la langue de Kant.
Ensuite, l’histoire est banale, et ça aussi c’est génial. La trame narrative sonne un peu comme un scénario de film d’auteur : tournée de linge à la laverie, match de basket et ballade dans des parcs. C’est loin des courses poursuites, des vies sauvées, des hautes sphères télévisées à la Musso. On erre en même temps que le narrateur dans Berlin avec son chat, on rencontre avec lui l’extravagante Dora, on l’accompagne à son entretien d’embauche avec les mêmes questions et appréhensions. Le grand avantage de ce livre, c’est qu’on ne le réfléchit pas, on le vit.
On s’attache, autant que lui, à Dora. Elle nous insupporte, nous distrait, nous tourmente, nous touche … Par ailleurs, Dora est le genre de jeune femme que l’on rencontre parfois dans sa vie et qui nous marque également. Un peu à côté de la plaque, déroutante, mais très attachante.
«En observant les animaux domestiques, Dora pouvait y reconnaître la forme d’un nuage »
Rajoutons à cela, la couverture épurée de Flammarion, qui coïncide totalement avec l’âme du roman, doux et simple.
Au final, je ne saurais te dire si c’est une autobiographie ou non, tellement l’histoire est banale et à la portée de tous. Pas de sentiments enflammés, pas de choix cornéliens, pas de cris et de larmes. Juste un bon roman.
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