Après les nominations aux Oscars, dévoilées le 14 janvier au Samuel Goldwyn Theatre, une polémique a rapidement éclaté quant à l’absence notable de non-blancs consacrés par l’Académie. C’est simple, très peu voire pas un seul auteur, acteur ou technicien noir ou hispanique n’est en course pour la prestigieuse statuette dorée. Rapidement, les réactions fusent sur les réseaux sociaux, et le hashtag #OscarsSoWhite dénonçant la situation arrive en TT (Trending Topics) sur Twitter. Il dénote d’une véritable mobilisation face à un ordre établi qui dure, et qui ne semble pas être prêt de changer. Cette indignation sur les réseaux sociaux s’est accompagnée d’une véritable prise de position de stars, telles que Jada Pinkett Smith, Spike Lee ou encore Will Smith, qui ont décidé de boycotter la cérémonie.
Une mobilisation virale
Bon, il faut noter tout d’abord que la mobilisation s’est rapidement concentrée sur les nominations phares (meilleurs acteurs/actrices, meilleur film, entre autres). Elle a suscité des débats : le racisme supposé de l’Académie a-t-il créé de réelles injustices ? Si flagrantes qu’elles justifieraient tout ce bordel ? Cette question posée, une dénonciation stricte des nominations semble perdre tout son sens. Car, outre Idris Elba, et Abraham Attah (Beasts of No Nations), sans doute victimes de la plateforme via laquelle a été distribué le film dans lequel ils jouent, il est extrêmement ardu de citer un acteur non-blanc dont le mérite dépasse celui des acteurs déjà nommés pour les récompenses. Sans valider le propos lourdingue et de mauvais gout d’une Charlotte Rampling, cette constatation doit nous interroger sur l’état d’une industrie cinématographique américaine qui a intégré au cœur même de son fonctionnement les rapports de dominations qui existent au sein de la société américaine.
« Le symptôme d’une plus grande maladie » ?
Pour bien comprendre l’état actuel des choses, il faut tendre l’oreille en direction d’actrices comme Viola Davis (deux fois nominées aux Oscars) abordant le problème du manque d’opportunités offertes aux non-blancs au sein de l’industrie. Interrogée par Entertainement Tonight, elle déclare : « Le problème n’est pas avec les Oscars, le problème est avec le système du cinéma hollywoodien ». Selon elle, les producteurs devraient s’interroger pendant le casting « Peux-tu engager une actrice noire ? Peux-tu engager un acteur noir ? », avant de rappeler à quel point peu de films mettant en scène des noirs sortent chaque année. Les Oscars ne sont pas « le vrai problème », mais « le symptôme d’une plus grande maladie ». Le plus intéressant avec cette polémique au final, c’est qu’elle appelle à une réflexion plus large sur l’industrie Hollywodienne. Ou pour faire simple : les acteurs blancs, sont quasiment castés par défaut dès qu’il s’agit de rôles-titres, fortement rémunérateurs en termes de récompenses. Noirs, latinos, mais aussi asiatiques sont implicitement mis de côté. Je vous invite à lire ce rapport très éclairant de chercheurs de l’université de Californie du Sud. [Il faut le rappeler, ce différentiel est également genré. Cette année, les rôles des acteurs masculins nominés étaient ceux d’écrivains, d’astronautes, d’un trappeur, entre autres. Alors que les rôles des femmes étaient ceux de mères, d’épouses, de lady etc.]
Que changerait donc une réforme structurelle de l’Académie ? Sans doute pas grand-chose. Les Oscars seront toujours le reflet d’une industrie qui, de ses exécutifs jusqu’à ses artistes, ne respire pas la diversité. Loin du discours victimaire qui dessert une cause noble, il appartient à l’industrie du cinéma la plus puissante du monde, de repenser totalement son rapport aux dominés, et leur offrir la place qu’ils méritent sans doute, et pour les plus talentueux d’entre eux, en amont des cérémonies de récompenses. Alors que le manque de diversité des Oscars est presque devenu un marronnier ennuyeux, le manque de solutions proposées par ceux dont l’avis compte, les exécutifs, est absolument effrayant. Il semble à la sortie de cette polémique, que la situation n’est pas prête d’évoluer, au milieu de toute cette agitation.
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