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Bienvenue en Egypte

L’Egypte un pays qui a connu une révolution, encore toute récente pour mettre à bas un régime jugé anti-démocratique, peine aujourd’hui à appliquer les principes démocratiques que les manifestants appelaient de leurs vœux. Tour d’horizon d’un pays en reconstruction.

Le président égyptien Abdel Fatah al Sissi, est de plus en plus critiqué par la communauté internationale, et ce pour le non-respect des droits de l’Homme au sein de son pays. La politique menée, est par plusieurs aspects problématique vis-à-vis des droits de l’Homme. En effet elle porte atteinte à ce qu’il y a de plus sacré aux bien du peuple  pour la res publica.

On peut donc commencer par l’évènement qui a eu lieu le lundi 2 février, lorsque 183 islamistes ont vu leurs peines de mort confirmées par le Grand Mufti d’Egypte. Outre le fait, qu’en Egypte soit toujours appliquée la peine capitale, ces personnes ont été jugées lors d’un procès de masse, loin du respect des droits de l’Homme. Cette affaire remonte au mois de décembre 2014, lorsque la cour pénale de Gizeh reconnaît 188 personnes coupables de la mort de 11 policiers en août 2013. Ici, le procès qui s’en suit n’en est pas vraiment un. Tout d’abord, il n’a pas lieu dans un tribunal mais à l’Institut de la police de Tora, un bâtiment annexe de la prison du même lieu, ce qui ne respecte pas vraiment la présomption d’innocence auquel a le droit tout accusé.

Ensuite, tous les témoins interrogés étaient soit des policiers soit des proches de policiers, ce qui par conséquent peut difficilement donner lieu à un procès équitable. En outre, l’organisation Amnesty International rapporte que les avocats de la défense n’ont pas pu procéder à un contre-interrogatoire des témoins de l’accusation. Finalement, sur 188 condamnés initialement, deux ont été acquittés, l’un a vu sa peine commuée à dix ans de prison et deux autres sont décédés. Quant aux autres, ils sont pour l’instant emprisonnés.

A ce sujet Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International déclare : « […]Prononcer une sentence capitale quand il existe de sérieux doutes quant à l’équité du procès est un scandale et une violation du droit international. ». Par ailleurs, le système judiciaire égyptien est aussi visé pour la condamnation à perpétuité de 230 militants de la révolte de 2011 qui avait chassé M. Moubarak du pouvoir en février, dont leur principal dirigeant Ahmed Douma. Cet exemple n’est qu’une partie visible de l’iceberg, un exemple qui illustre tous les autres dont on ignore l’existence.

Néanmoins, le système judiciaire égyptien n’est pas le seul obstacle aux droits de l’Homme en Egypte. En effet, on ne peut occulter la répression dont sont victimes certains journalistes. Il faut savoir que selon le Classement mondial de la liberté de la presse, effectué par Reporter Sans Frontières, l’Egypte occupe la 159e place du classement sur 180. Et cela est facilement compréhensible lorsque l’on prend le cas par exemple de Bassem Youssef. Ce journaliste animait l’émission satirique, El Bernameg l’équivalent en France du Petit Journal animé par Yann Barthès. Il expliquait dans une conférence de presse le 2 juin 2014, qu’il était « fatigué d’être sous pression » et « fatigué d’avoir peur ».Son émission satirique visait tous les différents partis ou courants de pensée. Cela allait de la critique des Frères Musulmans à la personne de Abdel Fattah al Sissi. Mais à la suite des « pressions », il a été décidé que l’émission ne serait plus diffusée. Par la suite, certains, et notamment des journalistes accusent la chaine MBC, détenue par des capitaux saoudiens d’avoir orchestré l’arrêt de l’émission.

S’ajoute à cela l’affaire des journalistes d’Al-Jazeera, M. Greste, M. Fahmy et B. Mohamed. En juin dernier, ces 3 journalistes encouraient des peines allant de sept à onze ans de prison pour avoir, selon la justice égyptienne « falsifié des documents » et « soutenu la confrérie des Frères Musulmans ». Pour l’instant, M.Greste, a été libéré et rapatrié dans son pays d’origine, l’Australie, grâce à une loi permettant notamment au président égyptien Abdel Fattah al-Sissi de rapatrier des étrangers reconnus coupables ou accusés de crimes. De son côté M. Fahmy a abandonné sa double nationalité égyptienne, dans l’espoir d’être libéré. Il est pour l’instant avec B. Mohamed en attente d’un nouveau procès.

Il faut savoir que de nombreux journalistes égyptiens se trouvent actuellement prisonniers. On en compte officiellement 16, qui, d’après Reporters Sans Frontières, place l’Egypte au 4e rang mondial des geôliers de journalistes. Le 20 décembre, à l’occasion de son 500e jour d’emprisonnement, sans réel procès, le photographe et journaliste indépendant Abu Zeid a écrit une lettre depuis sa cellule, intitulée « Coucher de soleil dans le trou noir ». Il y écrit : « Je demande simplement que maintenant que vous savez que j’existe, vous ne vous détourniez pas, s’il vous plaît. Je suis photojournaliste, pas criminel. ». Or, tous ces cas, de loin ne respectent pas la liberté de la presse. Liberté qui est assurée par l’article 71 de la Constitution, qui interdit notamment le recours à la censure ainsi qu’à des peines privatives de liberté pour les délits de presse. A quand donc une réaction appropriée de la part du gouvernement ?

On ne peut ensuite parler des violations des droits de l’Homme sans évoquer la condition de la femme dans la société égyptienne. Pour commencer, ces statistiques nous montrent clairement les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées.

 

EgypteDifférents rapports sur la situation de la femme en Egypte menés par diférents organismes et regroupés sur le site d’Amnesty International dans le dossier concernant l’Egypte.

 

Alors que la femme subit les sévices d’une société qui la sous-catégorise, le gouvernement de Abdel Fatah el Sissi a choisi de prendre des mesures notables. On retient par exemple la reconnaissance de harcèlement sexuel comme infraction qui peut mener à des peines juridiques. Mais aussi avec l’affaire des 18 femmes arrêtées lors d’une manifestation à la place Tahrir le 9 mars, qui ont subi des fouilles corporelles ainsi que pour certaines des tests de virginité, dans la prison militaire Heikstep. Par la suite un tribunal administratif à condamner cette pratique des tests de virginité, en la rendant illégale. Toutefois, malgré de telles mesures et la position officielle du président contre les violences faites aux femmes, les problèmes restent inchangés. En effet, les mesures prises se retrouvent à l’épreuve d’une culture ancrée dans la société égyptienne. Comme le montre le rapport publié par Amnesty International, sur 91% de femmes ayant subies des mutilations génitales, seul 1 plainte a été déposée depuis la révolution de 2011. On peut tout de même se demander si la force des traditions est la seule raison, le seul facteur explicatif.

Tout cela n’aide pas le pays à retrouver une place stable dans le système international et dans la région du Moyen Orient. En effet, il doit faire face aux risques qu’il encourt à cause des entraves faites aux droits de l’Homme. En outre, l’Egypte fait face à de plus en plus d’attentats islamistes, tout dernièrement au Sinaï, le groupe Ansar el Maqdess qui se revendique de l’Etat Islamique a fait une trentaine de morts, ce qui a obligé le président Abd el Fatah el Sissi d’écourter sa présence au sommet de l’Union Africaine. On peut alors se demander, à l’heure où la Tunisie à elle réussit son pari démocratique, comment va évoluer la situation des droits de l’Homme en Egypte. A la fin du mois de mars auront lieu les élections législatives, occasion pour laquelle le président a déclaré « L’Egypte achèvera sa troisième étape clé annoncée dans la feuille de route de l’après-juillet 2013 […] en organisant des élections législatives avant une conférence économique internationale prévue au premier trimestre 2015 ». Il ne reste plus qu’à voir si l’Egypte va être capable de relever ce défi.

Dahlia Girgis

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